Je suis né loin de tout. Je suis né dans le brouillard. J’ai gigoté et j’ai souris très vite. J’ai aimé sourire tout le temps.
J’ai grandi dans la chaleur. Je bougeais sans cesse. J’ai souris encore et encore.
J’ai entendu de nombreux silences et j’ai ri pour les combler.
Je me suis redressé pour faire fuir les fantômes.
Je mangeais tous les fruits exotiques avec appétit. Je regardais les bananiers sans savoir ce que c’était. La nuit, j’attendais que les ombres disparaissent avant de m’endormir. Je ne pleurais pas. Un jour, je me suis réveillé dans une voiture, tout devenait tangible et dangereux. Je me souvenais de tout.
J’ai marché très tôt pour assouvir ma curiosité. Je voulais voir le monde. Je voulais tout voir. J’ai tout vu et je n’ai pas tout compris. C’était trop dur à comprendre à mon jeune âge et quand j’ai grandi, je ne me souvenais plus.
J’ai joué aux billes et je gagnais souvent. Je me suis déguisé en Zorro pour sauver le monde et pour être aimer des jolies femmes. J’ai beaucoup joué au Playmobil en inventant des milliers d’histoires avec mes figurines: cow-boy, indien, Zorro, aventurier, scientifique et autres explorateurs. J’ai voulu être un héro dans tous les domaines. J’aimais m’évader très loin de cette petit île, trop petite pour ma curiosité. J’étais curieux de tout les paysages du monde et je les regardais dans les livres ou à la télévision.
J’ai fais de l’escrime pour vraiment être Zorro, celui qui gagne toutes les compétitions. J’en ai gagné quelques unes mais pas assez pour devenir un héro.
Je lisais Tintin, Spirou, Gaston Lagaffe, Luc Orient, Tif et Tondu, Alix, Blake et Mortimer… je lisais beaucoup de bande-dessinées et je voyageais. Je lisais des bibliothèques vertes ou des Signes de piste. J’aimais surtout les histoires d’espionnage, celle de Lieutenant X et la science fiction, les histoires de voyage dans le temps.
J’ai beaucoup regardé la télé, beaucoup trop. J’allumais dès que les émissions pour enfants commençaient et je restais bêtement devant. Vide. J’aimais ce vide en attendant qu’il se passe quelque chose autour.
J’ai fait de la voile pour savoir un jour partir tout seul. J’étais bon en voile. Je maitrisais le vent. Quand j’étais sur mon dériveur, tout seul, je me sentais le maître du monde. Je maîtrisais ma trajectoire, ma vitesse, mon environnement et je n’avais aucun obstacle face à moi. L’océan et le vent étaient mes amis.
Je me suis fourvoyé dans des études scientifiques. La voie royale pour réussir sa vie et avoir un travail plein d’avenir. Je n’y comprenais rien. Le monde était devenu abstrait et beaucoup trop compliqué. J’ai perdu un temps tout sens commun. Rien n’avait de sens. Alors j’ai fait du théâtre pour ne plus être timide, pour être à l’aise avec mon prochain, pour savoir quoi dire quand je rencontrerais l’âme sœur, pour comprendre certaines réactions dans mon entourage,… j’ai fait du théâtre pour enlever un peu de mystère dans le monde qui m’entourait. Je pouvais enfin être quelqu’un d’autre, être un héro, dire des mots qui n’étaient pas de moi, prendre des risques, faire des choses que je n’aurais jamais osé ou imaginé faire dans la vie. J’ai pu dire mes premiers mots d’amour sans avoir peur. Je suis tombé amoureux d’une chimère. J’ai dû fuir cet amour dévorant, toxique, j’ai quitté cette femme que j’aimais par dessus tout mais qui ne donnait rien, à personne, j’ai grandis dans cette fuite. Je suis resté longtemps comme un convalescent, spectre joyeux au milieu des vivants. J’ai eu peur d’aimer à nouveau.
Je suis devenu passeur de mots, par hasard, et j’aime ce métier de passion, de partage, de rencontres et de découverte permanente. Bibliothécaire.
J’ai participé à un atelier d’écriture dans la MJC du village d’à coté. J’ai adoré écrire des textes courts, des poèmes, des textes drôles, des nouvelles policières, des histoires fantastiques ou extravagantes. Je m’y suis fait de nouveaux amis.
J’écris des poèmes tous les jours. J’écris des textes courts pour ne plus être dans le brouillard.
J’ai lu Peter Handke et j’ai écris ce texte pour ne plus être loin de tout.