Une fine pluie m’a saisie alors que j’étais assis sur le rebord de la fontaine Rue du Sauvage. La jeune fille à la jupe mauve sourit en regardant le ciel, ces cheveux bruns foncés se détachèrent d’un coup sous l’effet d’une raffale. Je me suis levé pour retrouver Léa Porte Jeune. Il m’a fallu éviter cette mamie au look baba cool qui s’était agenouillée pour essuyer les lèvres de son petit fils, il venait de terminer une glace au cassis, elle semblait indifférente au flot des passants, la devanture du C&A parue elle aussi menaçante avec tous ses mannequins habillés en noir alors que le temps s’assombrissait de plus en plus, deux sœurs en jupes vertes et jaunes riaient en regardant un jeune chiot avec un nœud rose autour du cou, tout fou il leur tournait autour, la pluie rafraîchissait le visage ridé de cette indienne en sari qui se déhanchait sur des Louboutins fuchsia, un jeune homme gris et noir coupe en brosse la fixait méchamment en mettant ses mains sur les yeux de sa fille sage dans sa robe rouge, trois blacks look sportswear passèrent si vite dansant avec nonchalance qu’on entendait à peine le morceau de hip hop sortant du téléphone, le ghetto blaster me manquait presque quand je me retournais vers eux, ils étaient trop grand, on aurait dis qu’ils survolaient la foule, tels des danseurs au prise avec l’orage qui venait, un quatuor de jeunes algériennes assises sur les bancs publics au milieu de la rue se montraient leurs achats du jour, une jupe très longue, un sweat flashy, une bague énorme avec une pierre verte, comme si de rien était sous la pluie, leurs commentaires emplissaient la rue, la vendeuse de la boulangerie industrielle proche haussait sans arrêt les sourcils et ne ménageait pas ses réflexions racistes auprès des quelques clients qu’elle savait acquis à sa cause, d’autres se levaient dans un geste désapprobateur et sortaient précipitamment malgré la pluie et le vent de plus en plus fort, je pressais mon pas, un jeune mormon se mit à courir avec son costume noir en direction d’un café américain, je me décidais à ouvrir mon parapluie face aux bourrasques d’eau, trois collégiens essayaient d’accélérer le rythme malgré leurs ponchos violets qui entravaient leur progression, j’apercevais maintenant Léa à l’entrée du cinéma, dans sa belle robe jaune citron et son gilet bleu foncé, il me fallait encore fendre la foule bouillonnante sous les averses, une petite fille avançait d’ailleurs prudemment serrant très fort contre elle son doudou chat, son autre main tenait tant bien que mal le manteau déchiré de son papi, ils progressaient chaotiquement vers l’arrêt de tram Porte Jeune, la petite fille répondit timidement à mon sourire, un grand jeune homme un peu voûté et déguisé en basketteur de la NBA me bouscula, un moment d’inattention de ma part, il marmonna quelque chose en s’éloignant, j’espère des excuses, je n’y prêta pas attention car j’allais enfin retrouver Léa pour notre film hebdomadaire.
d’après la consigne #3 Personnages dans la foule de l’atelier Vies, visages, situations, personnages de François Bon