l’heure du thé

Pivoine dans une tasse calligraphiée à la japonaise

C’est l’heure du thé, j’attends sa visite. Il règne un doux parfum de fleurs créant un havre de paix alors qu’il fait mauvais dehors. Je suis impatient qu’elle arrive. Nos conversations futiles ou sérieuses s’enfilent comme un beau collier de perles. Elle a ses petits moments d’absence, le regard posé sur un nuage. Elle a ses petits sourires enigmatiques lorsqu’elle ne veut pas répondre à l’une de mes questions. Quand elle parle de son âge et de son Alzheimer , elle balaie d’un souffle mes dénégations. Il reste si peu de temps à notre amour, j’espère qu’elle ne sera pas en retard.

les mots tremblent

Etranglé par le doute
les mots tremblent
impossible de savoir
où glisse le chemin des phrases.

(journal des mots n°131 / 3 novembre 2012)

je suis flou et il suffirait de pas grand chose pour que je m’envole

Clé accroché à une clôture au bord de la plage

Dès que le temps le permet, j’enfile mes chaussures de marche et je vais traîner sur le chemin des douaniers. Les plages, les falaises, la côte sont toujours belles quelque soit la météo. Je marche longtemps mais je prends mon temps et je m’arrête souvent. Je regarde, j’observe, je m’imprègne, je voudrais me fondre dans le paysage, j’essaie désespérément de comprendre ce que j’ai sous les yeux, pourtant, tout s’échappe, tout s’enfuie et la mer change, se dérobe et résiste à toute approche. A la fin de mes balades désespérées, je flotte, je me sens ailleurs, je suis flou et il suffirait de pas grand chose pour que je m’envole. Des mots essaient de se poser et de s’accrocher dans ma tête, je reste à coté de toutes ces syllabes ou de ses phrases qui voudrait s’imposer, s’incruster et écorcher ma peau avec leur flot de questions, je ne peux pas courir, je ne veux plus me presser, je suis à bout de force, à bout de sens, comme si je ne pouvais attraper aucune clé qui se présente sur mon passage, l’interdit est là et fuir n’est plus possible, alors je saisis les bulles de savon et les couleurs de l’océan, et soudain je respire avec le souffle de poème qui se dépose au creux de mes mains plus doux que le baiser du matin et je sais vers où va le vent des mots.

écrire des mots en tesson

Les mains saignent
écrire des mots en tesson
qui déchirent la belle trame
d’une vie de plus en plus compliquée.

(journal des mots n°129 / 28 octobre 2012)

Je dessine la fêlure de leur voix

 lambeaux de feuilles en calligraphie japonaise

Dans ce jardin du souvenir, ces papiers mauves pourraient être effrayants, traces sans sépultures de morts proches ou lointains. Il n’en est rien. En-dessous des noms ; il y a ces images qui flottent dans l’air. Ces idéogrammes témoignent et racontent la vie du défunt, une anecdote, un exploit, un geste tendre, des mots d’amour…. Chacun vient ajouter sa touche, les liens tissés avec le mort. Chacun me raconte son histoire, ces moments qui ont compté dans les deux vies. Quand les dernières paroles sont parties avec le vent, je prends mon pinceau et pendant qu’ils s’éloignent, je dessine non seulement ce qu’ils ont dit, mais aussi la fêlure de leur voix.

(texte au dos de cette carte postale)

les mots ont le goût du temps

Là-bas posés sur une feuille d’automne
Les mots ont le goût du temps
celui qui désagrège toutes les certitudes
permettant au poète de sauter dans le vide.

(journal des mots n°128 / 14 octobre 2012)

dans ces mots du matin…

Dans ces mots du matin
il y a du souffle et de la poussière
pour tendre le bras vers les étoiles
sûr de toucher l’infini
de toucher l’infini
de toucher l’infini
avant de retomber
à bout de souffle
avec des phrases en poussière
pour ce matin qui s’en va.

(journal des mots n°127 / 7 octobre 2012)

les mots qui coulent dans mes mains

Impossible de disjoncter sans
les mots qui coulent de mes mains
abandonnant les phrases sur la page blanche
ces îles mystérieuses et fantastiques
qui nous attirent et nous laissent à part.

(journal des mots n°126 / 30 septembre 2012)