l’hiver revient

l’hiver revient
dans la frénésie du froid qui me gagne
je dessine cette femme au loin
l’hiver revient
j’ai peur de ne bientôt plus voir
le pinceau ajoute sa touche de flou
l’hiver revient
et pourtant le vent emporte mes angoisses
d’un trait précis j’affine les silhouettes
l’hiver revient
comment être sûr de t’embrasser à nouveau

inspiré du photoblog Une Rose dans les ténèbres , d’après la photo l’hiver revient

les mots manquent d’air

Vertige des petits crimes quotidiens
les mots manquent d’air
les mots sont à bout
les mots ont la tentation de déserter
nous laissant seuls face à nos vilenies.

(journal des mots n°88 / 23 mai 2012)

Vases communicants: Elle rêvait qu’elle rêvait et la voilà qui rêve encore

Vase communicant avec WingsOfFlo

Vases communiquants

Chaise dans les feuillagesElle rêvait qu’elle rêvait et la voilà qui rêve encore

Son ventre se tort, elle est en sueur. Elle le cherche..
Elle avait entendu ce frottement dans la cuisine. Son pied léger glissant sur les tomettes fraîches, le tintement de la théière contre la tasse, le gargouillis de l’eau.. elle s’était levée pour le rejoindre. Mais la cuisine était vide. Seule la fenêtre ouverte et le rideau dansant dans le vent attestaient d’une présence quelques minutes auparavant. La théière était chaude. Pas de tasse et le plateau gisait contre la cuisinière.. En avait-il bougé? Quelque chose la traversait de part en part comme un écho très lourd. Le manque de sa voix douce existait bien en elle

Pieds nus sur la terrasse, elle avait parcouru quelques marches en direction de son endroit de rêve… le trouver. Mais dans les entrelacs de lierre il n’y avait qu’une chaise. Poussiéreuse, un pied de travers, rouillée. Comme abandonnée et résolument vide depuis longtemps. Après le mur de feuilles, son passage sur la peau comme cet espoir secret qu’elle ne voyait pas tout. Que tout viendrait encore, et dans ce tout…… Elle trahissait sans doute une part d’elle-même. Autour d’elle, seul le vent sculptait les frondaisons, impérial, désespérément, pas un oiseau qui piaille. Au loin pourtant le bruit du ressac, comme sur une autre sphère, semblait offrir refuge à son désir. Le signe de sa présence, assit au bord de l’eau.

Elle avait suivi la sente, guidée par la brise marine qui froissait les vagues, jusqu’au ponton de pierre et de bois. Le vide sidéral de la mer collé à cette masse d’eau solide, quelques cris stridents comme stries douloureuses dans ce bleu cinglant, l’avaient saisie au coeur comme un couteau tranchant. Mais où était-elle? Elle savait juste ces chemins qu’ils s’inventent.. et l’odeur de sa peau un peu salée une fois allongés dans le sable où ils aimaient à se rouler. Là s’étalait un vide et elle glissait dedans. Il n’y avait rien après que les fibres du bois. Elle avait prononcé son nom. Mais aucun son n’était sorti.

Titubant, elle s’était assise à même la pierre. Le froid l’avait saisie. Comme on sort d’une nuit vaine de labyrinthes et guerres enchevêtrés, un monde entier sur la poitrine et ce relent en bouche, méphitique, une main ennemie sur la nuque, jouant de nos vertèbres comme avec des osselets, elle s’était retrouvée sur la chaise, le dessin découpé de l’assise imprimé dans la cuisse.. Elle était là depuis longtemps sans doute. Sur la table le dernier feuillet survivant d’un journal emporté par le vent, retenu par sa tasse. Une seule.. pas de théière.. et dedans, la trace du café.  Un peu de chocolat aussi. Bien étrange qu’il en reste. Sur la chaise d’en face, se sac informe qui aurait pu être à n’importe qui et cette revue gratuite, luxueuse quadrichromie montrant de beaux jardins. Entre les pages un mot glissé : « Je t’attends au café ». Mais de quand datait-il? Sa vie passait d’un sac à l’autre, comme une succession d’instantanés que l’on brasse à la manière des cartes à jouer et pour finir elle ne retrouvait rien. Le jour avait faibli, le vent s’était levé emportant les vestiges du jour. Il devait faire les courses.

Revue en main, elle remonta lentement l’allée menant à la cuisine dans un état second. Eu la vision d’un visage d’ange et d’or, gisant au milieu du chemin, comme dans un songe raté… De quoi était-ce le symptôme? « De qui » n’est pas de mise ici pour des êtres de chair. Elle avait dormi trop longtemps. Aucune idée de l’heure. Dans la rue en contrebas pas un bruit de moteur. On ne fait pas les courses un dimanche par ici. Déçue et triste, elle cherchait encore une brèche dans ce tableau irrévocable, refusant de comprendre. Passant le long de la véranda, elle vit dans la baie vitrée le reflet de la ville. Et non celle du jardin où ils s’asseyaient… Et ce mannequin inerte dans la vitrine, lui jetait son image comme un signal funeste. Alors que la pensée qu’elle avait de lui la berçait, rassurante, et que sa mémoire si précise l’avait conduite à le sentir si fort à ses côtés, la peau de son bras, chaude contre la sienne, elle s’était reconnue, parfaitement creuse, immobile et sage comme cette image que l’on attendait d’elle. Elle était restée là, terrifiée, et comprenant enfin. Elle avait observée l’injonction avec scrupule, comme un petit pantin au bout de ses fils..

Elle s’était réveillée enfin au bas du canapé, la tête en miette. Elle avait respiré, senti avec soulagement le souffle tiède par la porte du balcon, entendu le pigeon griffant le rebord de la fenêtre.. Revenue à elle-même elle avait parcouru, rassurée, les pièces désertes de l’appartement.. Sur la table traînait cette photo d’une maison de rêve, oh.. une simple petite maison basse et un peu délabrée, avec sur l’arrière invisible au passant, mais pas au spectateur, une terrasse de pierre et son petit bassin.. Et dans les bras du lierre sur le jardin d’hiver, deux chaises et cette table jonchée de livres et de tasses à café, quelques carreaux de chocolat, dans un désordre savant de vie partagée.. Au dos de la photo cette écriture aimée: « Mon amour nous habitons ici ». Et ce verbe au présent. Ce jeu tacite, qui consistait à prendre leurs doux désirs pour la réalité, et s’en vêtir l’un l’autre pour prolonger la fête qui existait entre eux. Dans une chemise cartonnée, ses photos de la veille, une chaise dans le jardin de sa grand mère, et un ponton de bois.. La vitrine du bouquiniste et il était en elle.

Elle cherchait l’en-soi, en lui, or leurs champs étaient distants, quoi que leurs désirs d’amour étaient identiques et réels. Elle songe maintenant à d’autres signes. Le souffle dans son cou, le parfum de sa chair. Cette joie dans les yeux. Elle parle, elle lui parle, et ça c’est bien réel quand le cadre s’anime.. Maintenant que le Silence est total elle le comprend enfin. Image d’elle même à ses yeux propres, elle était figée, argentique immobile, hors du temps, parfois au centre, hors-cadre le plus souvent. Une fioriture seulement. A quoi conduit l’intime quand on est au-dehors à observer sa vie. Juste à ce rêve d’encre et de papier pour qu’il y glisse lentement ses doigts et qu’il la regarde afin qu’elle vive. Qu’il la lise à voix haute et que, le livre étant offert, il s’y plonge pour faire partie des mots de leur vie.

Elle rêvait qu’elle rêvait et la voilà qui rêve encore et cela est heureux car ainsi vient la vie.

écouter les mots intimes

Marcher en soi
écouter les mots intimes
déchirer le paysage intérieur et
arracher ce bleu à l’âme.

(journal des mots n°87 / 22 mai 2012)

Photo du jour le 27 mai 2012: larmes du ciel

ce soir là, le ciel pleurait plus que moi, ce soir-là, je m’étais faite belle, trop belle pour lui, on dirait qu’il n’a rien vu, trop préoccupé par les mots qu’il voulait me dire, qu’il m’a dit, qu’il m’a craché, ce soir-là, il a tourné la page, il m’a effacé de son univers, avec la gomme qu’il utilise pour ses personnages dessinés, ce soir-là j’ai moins pleuré que ce que je n’aurais cru, il était si glacial et si lointain, je ne pouvais rien regretter, le ciel était triste à ma place, comme pour éviter les derniers adieux dans la rupture, je me suis levée sans crier gare, ce soir-là j’ai eu le courage de partir sans demander mon reste, j’ai ignoré ses appels, la bassesse de ses injures et j’ai souris quand il a terminé par quelques balbutiements sourds, à bout de souffle, une fois dehors je me suis sentie bien sous la pluie, la ville pleurait à ma place et mes sombres pensées s’enfuyaient dans la nuit, ce soir-là j’ai pris la décision de prendre en main mon destin.

d’après la photo du jour le 27 mai 2012 par @mustafaseven sur Webstagram

les mots vivent en apesenteur

Soulagé de leurs crispations
les mots vivent en apesenteur
guettant un signe de la main
pour ajouter leur finesse à telle ou telle idée.

(journal des mots n°85 / 20 mai 2012)

les mots songent

Les mots songent
l’émotion passe
qui ne ment pas
impasse et manque.

(journal des mots n°85 / 19 mai bis 2012)