Celle qui fût nonne et silencieuse pendant une dizaine d’années

1/ Celle qui fût nonne et silencieuse pendant une dizaine d’années, se remplissant de récits édifiants et de soupes de légumes, avant de devenir l’une des rares troubadours au féminin sévissant dans la région d’Albi sous le nom de l’annoneuse.

2/ Celle qui mourût en paysanne heureuse d’avoir labourer la terre pour des tomates, élever du vin rouge et fait grandir huit beaux garçons aux destins glorieux, l’un navigateur parcourant les océans au nom du Roi, l’autre écrivain à succès d’histoire de mousquetaires, l’autre entrepreneur dans la chaussure, l’autre agronome créant de multiples variétés de tomates plus résistantes les unes que les autres, l’autre évêque de Toulouse qui fût l’amant de la papesse Jeanne, l’autre bandit de grands chemins qui donna une grande partie de ses larcins aux pauvres, l’autre constructeur d’un grand canal en France, l’autre assistant de Champollion qui joua un rôle déterminant dans la compréhension des hiéroglyphes et le dernier fût le maître d’armes de tous les grands mousquetaires français.

3/ Celle qui fabriqua les premiers chapeaux en crêpes et fût la première femme de M. de La Pérouse

4/ Celle qui créa tous les modèles de chaussures de l’usine de Marmande.

5/ Celle qui tua le soldat allemand pendant son viol et l’enfouit sous son beau massif de fleurs admiré par tous depuis des lustres

6/ Celle qui embrassa la si belle et si troublante voyageuse de commerce, souvenir heureux d’avant son mariage

7/ Celle qui partit soigner les antillais pour fuir une famille gangrenée par le conformisme et l’importance du paraître.

8/ Celle qui fût l’amie du loup des Causses et fût brûlée comme sorcière pour cette raison.

9/ Celle qui enfanta le dernier des parfaits cathares avant de brûler lors du siège de Minerve.

10/ Celle qui fût la cuisinière, et l’amante cachée, du sixième évêque d’Albi

11/ Celle qui écrit l’histoire des mousquetaires albigeois sous un pseudonyme masculin

12/ Celle qui ne sut jamais le grand destin de son enfant abandonné.

13/ Celle qui n’eut jamais d’enfants de son mari parti explorer le monde et mort noyé

14/ Celle qui fan absolu de rugby faillit détourner l’abbé Pistre de son sacerdoce

15/ Celle qui fût la première femme secrétaire d’une section locale du Parti socialiste

16/ Celle qui fût l’institutrice de Jean Jaurès

17/ Celle qui fût l’infirmière des âmes de tout son canton avant de mourir brutalement dans un accident de voiture

18/ Celle qui fût l’élève la plus discrète de Toulouse-Lautrec et devint ensuite l’architecte de son musée.

19/ Celle qui marcha si longtemps vers le Sud pour s’enfuir qu’elle arriva sur la grand plage de Barcelone où elle s’assit épuisé, regarda l’horizon pendant des jours et quand elle se leva ce fût pour fonder le premier restaurant gastronomique français dans cette ville.

20/ Celle qui fût la première femme à rêver de devenir aviatrice

d’après la consigne #2 Une généalogie au féminin de l’atelier Vies, visages, situations, personnages de François Bon

Dès qu’il se met à rire, il redevient le jeune homme insouciant qu’elle a tant aimé

1

Fatigué?
Pas vraiment… je n’ai couru que 20 km
Tu as ces rides crispés des mauvais jours
Le boulot… encore un emmerdeur qui ne comprends rien à rien!
Calme-toi où ces rides vont s’installer et te donner un charme supplémentaire

Rires

2
Dès qu’il se met à rire, il redevient le jeune homme insouciant qu’elle a tant aimé.

3
Sur les photos officiels, il fait tout pour disparaître ou se cacher derrière quelqu’un. Parfois, c’est sa coupe en brosse qui apparaît au dernier plan, une autre fois son profil énigmatique et coupé à la serpe, une autre fois encore la moitié de son sourire crispé à l’ombre d’un autre visage, d’autres fois on aperçoit à peine une joue et une oreille.

4
Son béret militaire fait ressortir la froideur de ses yeux. Dans ces moment-là, son visage lui donne une allure encore plus impitoyable.

5
J’ai rarement vu visage aussi étrange et énigmatique. Même dans l’ombre la plus sombre, une sorte de lumière émanait de lui. Les gouttes de pluie semblaient l’éviter alors que le vent le déformait complètement. Quand on l’observait trop longtemps sa forme carrée s’arrondissait tel une pastèque. J’avais parfois du mal à savoir s’il avait ou pas un nez. Son rire me faisait peur car seule partie de sa bouche s’agitait sans que je sache déterminer laquelle.

6
Plongé dans la lecture d’un livre, son visage dansait comme une flamme amoureuse.

7
Le reflet des ses lèvres dans le glaçon de son whisky la mettait dans tous ses états. Il en jouait quand ils étaient en public.

8
Il est le visage de la rigueur.
Cet œil toujours en fuite.
Il est le visage de l’ennui.
Ce nez informe et fade
Il est le visage de l’intransigeance
Cette bouche sans rictus
Il est le visage de la folie
Ce front fuyant la vie.

9
Au milieu de la foule, il est impossible de le reconnaître tellement son visage se fond dans le paysage. Il a le chic pour se donner un air inaccessible comme s’il nétait pas de ce monde. Parfois, j’ai même l’impression que sa silhouette est flou, son visage en particulier.

10

Je n’aime pas ma figure
Ah, bon?
Trop définitive!
?
J’ai l’air dur et méchant
C’est pour mieux cacher ta douceur, mon chéri
Je ressemble à un séminariste souffreteux et déprimé
Tu exagères un peu. Ton visage semble plus fermé ces derniers temps.
… même à toi, je fais peur.
Arrêtes de tout dramatiser!

11
En vieillissant, une patine de bonté s’était soudain déposée sur son visage. Ce n’était pas de la sagesse. Pas encore. Plutôt, une forme de sérénité qui avait envahi tout son être et rejaillissait sur cette figure. Cela ajoutait à son coté énigmatique. D’où venait cette paix en lui?

d’après la contrainte de l’Atelier Personnages Hiver 2019-2020 de François Bon, proposition 1 – « à nul moment je n’ai décrit votre visage »

les mots naissent sous la cendre

Butin de pêche
les mots naissent sous la cendre
les phrases cuites ont la saveur d’une christophine
et la parole au coquillage se fait douce.

(Journal des Mots, 18 novembre 2019)

on se grisait d’une vie simple et joyeuse

On avait les yeux menthe à l’eau
On voulait s’envoler
Loin de notre quotidien
Il aurait suffit d’un signe
Ou d’un ouragan
Pour nous emporter
Nous donner envie de jouer
Du piano debout
Entre lambada et La Bamba
On se grisait
D’une vie simple et joyeuse
Et puis Mademoiselle chante le blues
Pour tenter de
Sauver l’amour


Qu’ont-ils fait de nos rêves?

(Rêves ? n°10, 16 novembre 2019)

les mots sont de feu

Ardent désir sombre
les mots sont de feu
les phrases brûlent sur vos lèvres
pourquoi tant de fuites?

(Journal des mots 8 novembre 2019)

L’envahissement des fourmis volantes

L’envahissement des fourmis volantes, un souvenir d’enfance, très angoissant, à la cité Ducharmoy en Guadeloupe

La fameuse Ventoline… médicament qui n’est plus commercialisé. L’asthme intense pendant l’enfance s’est calmé depuis pour devenir très très épisodique.

Cette fois c’est un appartement dans une petite résidence à trois étages près du cimetière de Didenheim

Je garde un souvenir très vif à douze ans d’une nuit blanche ou toutes ces questions existentielles ont tourné en boucle dans ma tête.

Le décor est la plage de Petite Anse près de Bouillante en Guadeloupe. Cette plage est la matrice de toutes les plages auxquelles je pense quand j’écris. Un petit paradis loin de la route et de toutes villes avec une multitudes de bons moments passés sur place.

Cette évocation appelle le souvenir d’un verre de coca renversé sur la terrasse de mon enfance. Le sol était propre et net après nettoyage… cela m’a questionné sur les effets de la boisson sur mon estomac.

A l’époque il était courant et admis de trafiquer les pots d’échappement des mobylettes afin qu’elles soient plus puissantes et qu’elles dépassent les 50 km/h autorisés. La plupart du temps les gendarmes fermaient les yeux mais certaines fois le bruit était insupportable.

Je repense immédiatement à un chapardage de Litchis où le propriétaire nous a pris, un copain et moi, sur le fait lors d’un second passage. Après nous avoir séquestré quelques minutes dans sa cave pour nous forcer à nous dire où nous habitions. Une telle séquestration serait impensable aujourd’hui… Il nous a ensuite ramené à la maison et ma mère avait plus peur qu’il découvre la première récolte que de l’engueulade qu’elle prenait sur son incapacité à « tenir » ses enfants…

En bons adolescents cruels, nous nous moquions de celui ou de celle qui n’arrivait pas à imiter Tarzan ou le chimpanzé.

Tous les meubles de ma chambre d’enfant avaient été fabriqués par mon père. Ils étaient pratiques mais pas esthétiques.

Aujourd’hui j’utilise des masques de sommeil sinon le moindre faisceau de lumière me réveille très tôt le matin… et je dors très mal sans.

Etudiant à Montpellier, j’ai pris des cours de théâtre pendant plusieurs années et j’ai fait partie d’une troupe semi-amateur autour de feu « Les Ateliers méridionaux ». De cette petite troupe, une seule comédienne fait carrière.

Ma première déclaration d’amour, un fiasco, s’est faite sur une plage face à l’océan atlantique.

Aucun ersatz en bouteille ne remplace la dégustation de l’eau d’une noix de coco fraichement coupé après l’avoir cueilli sur l’arbre.

Je ne saurais dire pourquoi j’avais en tête Marseille en écrivant ce texte. Ce n’est pas uniquement la canicule mais je visualisais le narrateur en train de marcher dans cette ville avec beaucoup de dénivelés et arrivant à la fin dans une salle de spectacle située plutôt en hauteur.

L’image est construite à partir d’une petite zone commerciale de la banlieue de Mulhouse qui regroupe de manière improbable un Décathlon et un Cultura.

Je garde en mémoire un sentiment très fort de liberté et de puissance lorsque je barre mon dériveur devant la ville de Basse-Terre : tenir le cap malgré le sens du vent et les courants marins ! L’ivresse du vent de la course quand j’ai trouvé le meilleur réglage pour les voiles et la meilleure trajectoire dans l’océan.

Première boite de nuit pendant mes premières vendanges à Sommière (Gard). Un lieu improbable perdu dans la garrigue, un parking chaotique mi-béton mi-terrain vague, une façade décrépie qui faisait illusion la nuit…

Pour Aimé Césaire, je pense surtout au recueil « Moi, laminaire… » et cette référence aux algues

Cela m’a beaucoup amusé d’imaginer cette scène où la femme jouit des mots prononcés tout autant que des caresses de son compagnon

Les chansons et la musique d’Alain Bashung sont des rêveries sensuelles et nostalgiques

La bibliothèque était situé dans l’un des quartiers dit sensibles de Strasbourg. Elle est accolée à un Centre Socio-culturel à proximité d’un parc. Les immeubles autour étaient, à l’époque, en bonne état avec des commerces et des associations dynamiques. Il y avait une ambiance de village car le quartier était proche de la campagne.

Je me rends compte après coup que je n’ai lu aucun des livres de la rentrée littéraire 1996 alors que je les avais choisis…

Par la suite, nous sommes allés ensemble voir un concert au Festival Jazz d’Or. Outre la virtuosité du groupe et les différents morceaux de jazz classique, j’avais été impressionné par l’humour et la complicité joyeuse entre les musiciens. Je n’avais encore jamais vu cela sur scène.

La Rochelle est une ville où il fait bon se promener au hasard des rues et en bord de mer, surtout le soir ou hors saison.

Folie des mots

Juste un cri
folie des mots
la phrase arpente un dédale
à la rencontre d’une absente.

(Journal des mots 6 novembre 2019)