Soudaine cacophonie
les mots s’affolent et perdent leurs repères
la phrase cherche un peu d’ordre
et la parole se mélange à l’air.
(Journal des mots 31 octobre 2019)
île de mots…
Soudaine cacophonie
les mots s’affolent et perdent leurs repères
la phrase cherche un peu d’ordre
et la parole se mélange à l’air.
(Journal des mots 31 octobre 2019)
Surgissant du feu
les mots explosent sur votre bouche
et la phrase cherche son souffle
dans les braises de nos rires.
(Journal des mots, 21 octobre 2019)
Lointain exil
les mots suspendus n’avaient plus de forme
la parole était perdue
nous ne savions plus rêver.
(Journal des mots 24 octobre 2019)
Dans sa bouche
les mots accélèrent le désir
les phrases attisent les sens
y perdre l’horizon.
(Journal des mots, 16 octobre 2019)
Il avait oublié de fermer sa fenêtre à la tombée de la nuit la plupart du temps ce n’est pas gênant il faut vérifier si un scolopendre ou autre petite bestiole n’est pas venu se glisser dans le lit ou au pied du bureau la c’est l’invasion biannuelle des fourmis volantes il a le cerveau tétanisé les poumons se serrent la respiration devient sifflante il doit vite trouver son inhalateur il se sent envahi de partout la fenêtre se ferme sur la troupeau d’immeubles il doit maintenant réviser ses partiels l’appartement est suffisamment aéré il va dans l’autre pièce sans fenêtre où il a installé son bureau justement pour pouvoir se concentrer plus facilement il regarde le ciel bleu layette juste avant le couché de soleil à droite de son ordinateur il cherche l’inspiration pour son poème en cours d’écriture il se sent pénétré par la douceur du ciel la fraicheur du thé vert encore dans sa bouche enveloppe son matin d’hiver ce dimanche si paisible où la neige n’est pas encore tombée il sait que le cimetière se cache juste derrière l’arbre il le voit en hiver quand les feuilles sont tombées il repense à ses parents morts à quelques mois d’intervalles très vite sans signes avant coureur il ouvre les yeux en pensant à la mer caraïbes si proche qu’il pourrait presque entendre le ressac dans sa chambre il a son cours de voile cet après-midi il attend avec impatience le moment où le vent sur sa peau guidera sa navigation et les réglages de son dériveur sa respiration apaisée grâce au médicament il détruit méthodiquement les fourmis volantes et celles qui ont déjà perdues leurs ailes il sait qu’il ne pourra pas s’endormir tant qu’il ne sera pas sûr des les avoir toutes éradiquées il allume sa plaque électrique pour faire chauffer sa soupe en sachet il faut déjà nuit dehors et il se sent seul il entend vaguement le bruit des autres locataires chacun de sa chambre chacun dans sa bulle il vient de finir de relire Les Frères Karamazov il doit maintenant écrire sa dissertation dont il n’a pas encore compris le sujet il allume la télé pour regarder Nulle part ailleurs et s’amuser un peu avant de passer une partie de la nuit à écrire sur Dostoïevski enfin allongé dans son petit lit en bois il est soulagé de s’être débarrasser des fourmis il espère que le sommeil viendra vite il espère un nuit sans cauchemar soudain sans savoir d’où lui vient cette interrogation il commence à se demander pourquoi il vit pourquoi il vit ici maintenant pourquoi il est là et pas ailleurs ce matin l’arbre est nu et il ne cache plus le cimetière vide personne il n’aime pas les cimetières il y va juste pour les enterrements pour soutenir les vivants il entend passé une voiture dans la rue principale du lotissement il aime ce bruit qui augmente puis diminue sorte de parenthèse dans le joyeux silence.
Deux parallélépipèdes enchâssés l’un sur l’autre, l’un minéral et mystérieux avec ses petites meurtrières en guise de fenêtres, l’autre blanc et translucide tant il y a de baies vitrées qui reflètent les arbres, les gens, les maisons alentours, les oiseaux et le ciel. Cette grande médiathèque qui abolit les frontières intérieures et extérieures avec le dehors qui se diffracte à l’intérieur sur les alignements plus ou moins homogènes que forment d’autres parallélépipèdes que sont les livres, les CD et les DVD. Telles des ombres vivantes dans cet aquarium où sont réfugiés les histoires rêvées et savantes du monde, les femmes et le hommes sont des silhouettes floues à la recherche de leur incarnation.
Ce que je préfère, c’est le massage des vagues la nuit, aucune autre perturbation, le vent fort lui m’affole et me bouleverse en dispersant mes grains de sable à tout va, au petit matin je frissonne sous les pattes des crabes, j’essaie vainement de comprendre si leur trajet m’envoie un message, et puis je tremble à l’arrivée des voitures et des hommes qui en sortent, petits ou grands, ils n’ont de cesse de courir vers la mer, observer les pieds de tout forme me distrait un moment puis je me lasse de ces va et vient perpétuels sans autre logique que d’alterner plongeons et bronzages, le pire vient des enfants qui me triturent, me creusent ou me sculptent, je n’en peux plus des châteaux de sable et autres digues, des mots d’amour et autres kyrielles de prénoms… en revanche, j’attends avec impatience et je me passionne pour les jeux de ballons divers et variés, j’admire l’adresse et la dextérité dont je ne suis pas capable, je suis jaloux des rire et des connivences que cela créent entre joueurs, moi désespérément immobile, soumis aux aléas des courants marins et du vent, que j’aimerais pouvoir virevolter, danser, me jeter par terre, tourbillonner au sol et enchaîner figures ou cabrioles, parfois en fin de journée quand le calme revient, je me sens lourd et inutile, encore plus insignifiant que tous les rochers qui m’entourent.
Un soir d’été alanguis l’un à coté de l’autre trop chaud douceur des caresses chercher la bonne musique paresser en écoutant Bashung vertige draps froissés finir de s’embrasser chercher un peu de fraîcheur écouter la respiration de l’autre mélanger nos doigts ce petit souffle dans le cou « à l’arrière de l’auto » riff de guitare violon accordéon l’accord emporte un nouveau rêve demi-sommeil qui attend respirer le nez soudain dans les cheveux « hennir » la fraîcheur ne vient toujours pas
Il faudrait s’asseoir CHAISES je ne sais pas choisir laquelle elles sont trop nombreuses dans cette grande pièce vide sans personne CHAISES qui s’enfuient et me font peur il n’y a personne dans la grande pièce vide trop nombreuses les CHAISES je voudrais m’asseoir car je suis fatigué j’ai beaucoup marché depuis le chant du coq mes pensées sont désordonnées pas comme ces CHAISES en rang et impressionnante d’immobilité je pourrais en déplacer une oui mais laquelle et cela se verrait une manque dans cet amas de CHAISES qui n’ont pas toutes la même forme certaines sont confortables et moelleuses d’autres sont carrées et dures comme du granit il faudrait s’asseoir je suis si fatigué je n’en peux plus d’avoir errer dans la ville toute la journée impatient de venir ce soir comment trouver sa place au milieu de ces CHAISES pas un bruit à peine l’écho de mon souffle affolé plutôt épuisé mon souffle à bout de souffle et mon corps rêve de CHAISES
Hypothèse n°1 – la femme à la chaise.
Le narrateur serait en train de mourir. Sa mémoire étant déjà vacillante, il se souviendrait à la fois de moments importants de sa vie mais il aurait aussi des images plus anecdotiques qui s’imposeraient sans aucune logique.
Le narrateur s’enregistrerait sur des cassettes audios pour ne pas oublier. Parfois il revient en arrière pour écouter à nouveau un des moments forts. Il aurait des larmes. Parfois il appellerait à l’aide et une infirmière viendrait le rassurer et lui donner des médicaments.
Le lecteur pourrait avoir l’impression que c’est un fou qui délire mais non il s’agit bien d’un homme de plus de 90 ans qui est au seuil de la mort. Seul. Il n’attendrait aucun visite. Il aurait juste cet enregistreur. Le narrateur aurait écris sur la paume de sa main: « méfie-toi tu es déjà mort ».
Le narrateur parlerait toujours de la même femme, son premier amour, qu’il a rencontré alors qu’elle se promenait dans la rue avec une chaise. Il la suivra jusqu’à ce qu’elle s’assoie dans un parc public. La narrateur lui aurait fait une déclaration d’amour à cette occasion.
La femme, une antillaise, lui aurait dis un flot de phrases en créole, pour finir par un défi dit en français: « si tu me retrouve en Guadeloupe, nous nous marririons. » Puis elle disparut si vite que le narrateur avait cru à un sortilège. Il aurait récupérer la chaise vide pour la ramener chez lui. Depuis le narrateur ne s’assiérait plus que sur cette chaise. Ce qui est embêtant quand il est hors de chez lui, soit il amène partout sa chaise, soit il reste debout.
Après avoir fait des économies, il serait parti en Guadeloupe avec sa chaise comme seul bagage en soute. Il aurait erré sur l’île en long et en large, il en aurait même fait le tour à la nage. Ce qui n’est pas facile avec une chaise sur le dos. Rien à faire. Introuvable. A force de marcher, le narrateur serait devenu très maigre. Il paraît que Giacometti l’a croisé lors d’un séjour en Guadeloupe et se serait inspiré de lui pour ses silhouettes qui marchent.
Un jour de canicule alors que le narrateur repassait pour la énième fois dans l’allée Dumanoir, une palme lui est tombé sur la tête et il se serait évanoui. Ce serait ce moment-là que choisis la femme à la chaise pour ré-apparaitre, lui reprendre sa chaise et lui donner un baiser qui le réveilla.
Hypothèse n°2 – La pièce de théâtre
Le narrateur viendrait de rencontrer une femme et lui ferrait des confessions sur sa vie. Il lui murmurerait des moments de son passé mais aussi des rêves qu’il aimerait accomplir ou lui raconterait à sa manière un moment passé ensemble comme leur deuxième nuit d’amour et de tendresse.
Il lui décrirait les lieux de son enfance. D’un tempérament angoissé, il lui raconterait ses angoisses existentielles. Au fur et à mesure, le lecteur découvrirait un héro tourmenté qui écrit du théâtre et qui s’allège de ses souffrances passées.
Outre les moments intimes avec sa compagne, il y aurait le récit des répétitions de la pièce qui se développerait aussi à partir des improvisations et des accidents sur scène. Le texte se terminerait par la représentation finale avec le narrateur en récitant et sa compagne en étoile filante venant dire des poèmes énigmatiques à différents moments. La pièce ferait aussi parlé des objets ou des éléments du décor y compris le sol qui serait un témoin important de l’histoire.
Hypothèse n°3 – En attendant la fin
Il s’agirait d’un écrivain en panne d’inspiration qui erre dans La Rochelle. L’écrivain observerait les passants et les immeubles notant tout azimut des idées sur un carnet rouge. En rentrant dans son appartement, l’écrivain, dans la frénésie de la marche, commencerait à écrire un texte et puis… soudain au bout de quelques minutes, il s’arrêterait comme figé.
Dans son bureau, il s’accumulerait ainsi plein de textes inachevés ou en suspend. L’écrivain essaie régulièrement d’en reprendre l’un ou l’autre en partant des notes prises sur le vif. L’un ou l’autre texte avancerait de manière laborieuse sans que l’auteur soit satisfait. Les ratures ne seraient pas rares.
L’écrivain aurait du mal à fin ses textes. Il lui arriverait aux heures des doutes les plus douloureux de vouloir tout brûler ou d’embaucher un nègre ou de plagier ses auteurs favoris.
L’écrivain finirait par prendre une drogue euphorisante dont nous tairons le nom. Grâce à elle, il terminerait son premier roman intituler « En attendant la fin » qui eut un petit succès critique auprès de chercheurs en littérature contemporaine, d’écrivains marginaux comme François Bon et d’infirmières insomniaques qui accompagnent les malades vers la mort.
Après ce livre, personne n’aura plus de nouvelles de cette auteur qui s’est volatilisé dans la nature.
Hypothèse n°4 – Jouir avec Dostoïevski
Hypnotisé par la boule à facettes et en transe à force d’avoir danser, la narratrice rêverait d’une nuit d’amour en bord de mer. Entre deux baisers, d’abord chaste puis de plus en plus intense, elle imaginerait des histoires pour son amant. Dans un premier temps, elle broderait à partir de ce qu’elle voit autour d’elle. La fatigue lui ferait beaucoup parlé de chaises, de canapés, de bancs, de lits, de hamacs, de transats, de fauteuils moelleux, de banquettes confortables et de matelas rebondis. Pendant les préliminaires, elle réciterait des poèmes connus par coeur de René Char, d’Aimé Césaire, de Lionel Ray ou de Jeanne Benameur avec sur le bout de la langue cette envie des les mélanger pour en créer de nouveaux, quelques fois ce sont des chansons de Bashung, de Nougaro ou de Souchon qui sortiraient entre deux petits râles de plaisir. A la première pénétration, elle convoquerait les classiques de la littérature Proust, Stendhal, Hugo, Hémingway, Nabokov et à l’approche de la jouissance ce sont les russes Dostoïevski, Tchekhov, Tolstoï ou Boulgakov.
Dans la phase d’apaisement, elle se rêverait navigatrice en solitaire, danseuse étoile, écrivaine à succès, chanteuse de charme ou astronaute juste avant de s’évanouir sur la piste de danse de la boite de nuit.
Croquer la mangue
les mots ont ce goût d’utopie
et la phrase nous enivre d’espoir
fragrance joyeuse du fruit de la passion.
(Journal de mots du 12 octobre 2019)
Je suis né loin de tout. Je suis né dans le brouillard. J’ai gigoté et j’ai souris très vite. J’ai aimé sourire tout le temps.
J’ai grandi dans la chaleur. Je bougeais sans cesse. J’ai souris encore et encore.
J’ai entendu de nombreux silences et j’ai ri pour les combler.
Je me suis redressé pour faire fuir les fantômes.
Je mangeais tous les fruits exotiques avec appétit. Je regardais les bananiers sans savoir ce que c’était. La nuit, j’attendais que les ombres disparaissent avant de m’endormir. Je ne pleurais pas. Un jour, je me suis réveillé dans une voiture, tout devenait tangible et dangereux. Je me souvenais de tout.
J’ai marché très tôt pour assouvir ma curiosité. Je voulais voir le monde. Je voulais tout voir. J’ai tout vu et je n’ai pas tout compris. C’était trop dur à comprendre à mon jeune âge et quand j’ai grandi, je ne me souvenais plus.
J’ai joué aux billes et je gagnais souvent. Je me suis déguisé en Zorro pour sauver le monde et pour être aimer des jolies femmes. J’ai beaucoup joué au Playmobil en inventant des milliers d’histoires avec mes figurines: cow-boy, indien, Zorro, aventurier, scientifique et autres explorateurs. J’ai voulu être un héro dans tous les domaines. J’aimais m’évader très loin de cette petit île, trop petite pour ma curiosité. J’étais curieux de tout les paysages du monde et je les regardais dans les livres ou à la télévision.
J’ai fais de l’escrime pour vraiment être Zorro, celui qui gagne toutes les compétitions. J’en ai gagné quelques unes mais pas assez pour devenir un héro.
Je lisais Tintin, Spirou, Gaston Lagaffe, Luc Orient, Tif et Tondu, Alix, Blake et Mortimer… je lisais beaucoup de bande-dessinées et je voyageais. Je lisais des bibliothèques vertes ou des Signes de piste. J’aimais surtout les histoires d’espionnage, celle de Lieutenant X et la science fiction, les histoires de voyage dans le temps.
J’ai beaucoup regardé la télé, beaucoup trop. J’allumais dès que les émissions pour enfants commençaient et je restais bêtement devant. Vide. J’aimais ce vide en attendant qu’il se passe quelque chose autour.
J’ai fait de la voile pour savoir un jour partir tout seul. J’étais bon en voile. Je maitrisais le vent. Quand j’étais sur mon dériveur, tout seul, je me sentais le maître du monde. Je maîtrisais ma trajectoire, ma vitesse, mon environnement et je n’avais aucun obstacle face à moi. L’océan et le vent étaient mes amis.
Je me suis fourvoyé dans des études scientifiques. La voie royale pour réussir sa vie et avoir un travail plein d’avenir. Je n’y comprenais rien. Le monde était devenu abstrait et beaucoup trop compliqué. J’ai perdu un temps tout sens commun. Rien n’avait de sens. Alors j’ai fait du théâtre pour ne plus être timide, pour être à l’aise avec mon prochain, pour savoir quoi dire quand je rencontrerais l’âme sœur, pour comprendre certaines réactions dans mon entourage,… j’ai fait du théâtre pour enlever un peu de mystère dans le monde qui m’entourait. Je pouvais enfin être quelqu’un d’autre, être un héro, dire des mots qui n’étaient pas de moi, prendre des risques, faire des choses que je n’aurais jamais osé ou imaginé faire dans la vie. J’ai pu dire mes premiers mots d’amour sans avoir peur. Je suis tombé amoureux d’une chimère. J’ai dû fuir cet amour dévorant, toxique, j’ai quitté cette femme que j’aimais par dessus tout mais qui ne donnait rien, à personne, j’ai grandis dans cette fuite. Je suis resté longtemps comme un convalescent, spectre joyeux au milieu des vivants. J’ai eu peur d’aimer à nouveau.
Je suis devenu passeur de mots, par hasard, et j’aime ce métier de passion, de partage, de rencontres et de découverte permanente. Bibliothécaire.
J’ai participé à un atelier d’écriture dans la MJC du village d’à coté. J’ai adoré écrire des textes courts, des poèmes, des textes drôles, des nouvelles policières, des histoires fantastiques ou extravagantes. Je m’y suis fait de nouveaux amis.
J’écris des poèmes tous les jours. J’écris des textes courts pour ne plus être dans le brouillard.
J’ai lu Peter Handke et j’ai écris ce texte pour ne plus être loin de tout.
Impromptu rougeoiement
volcan de mots
les phrases se font braises / laves
avant de disparaître.
(Journal des mots, 11 octobre 2019)
Houra! La bille a traversé la grande longueur de la grande terrasse en L qui occupe tout l’avant de la maison coté Allée de Amandiers. Le long roulement s’est terminé par un double tintement contre les grosses billes qui attendait de l’autre côté. Je me suis applaudis bruyamment. Personne à proximité pour admirer la performance. Même le chat lové sur l’une des chaises de la grande table ovale en fer forgé n’a pas bronché. Il s’enroulait toujours le dos contre le dossier en particulier les jours de forte chaleur. J’aimais l’ombre de cette terrasse balayée par les Alizées. Dès lors il y faisait toujours frais même à la saison la plus chaude. Seuls les mobylettes trafiquées perturbaient bruyamment le calme du quartier.
Entre la maison et la rue, le jardin était très étroit, la place pour une voiture et trois arbres. Le vrai jardin était à l’arrière. On pouvait jouer au foot. Nous avons même eu pendant un temps trois poules qui gambadaient dans cet espace. Une haie de petits arbustes touffus nous isolait des voisins et un grand arbre à litchi trônait dans un angle. Il nous régalait deux fois par an. Il y avait juste à coté du jardin arrière le petit garage pour notre seconde voiture, simplement quelques parpaings et un toit en tôle. J’adorais monter dessus avec mes copains pour dominer le quartier, faire du bruit avec la tôle et jouer à Tarzan dans la jungle hostile.
Quand il pleuvait, je me réfugiais dans ma petite chambre tout au fond du couloir, celle de mes parents, plus grande avec une immense armoire en bois et en miroir, était à droite et celle de ma soeur, à peine plus grande que la mienne, était au début du couloir juste après la grande salle de bain. A l’ombre du Litchi, ma chambre était assez sombre tout au long de la journée et je n’entendais aucun bruit car les voisins de ce coté-là, n’utilisaient pas leur jardin. En entrant, il y avait d’abord à gauche mon bureau pour les devoirs puis mon lit contre le mur, de l’autre coté mon armoire bleue occupaient les deux tiers du mur et puis mon coffre à jouet qui se baladait au gré de mes envies et des histoires que j’inventais avec mes Playmobils ou mes petites voitures. Au-dessus de mon lit, j’avais collé un poster des chûtes du Carbets avec des hibiscus au premier plan. Parfois, je jouais aux billes dans le couloir des chambres, ce qui avait le don d’agacer tout le monde. Le roulement et le choc entre les billes y étaient amplifiés de manière incroyable. Même avec la petite lumière de chevet, j’avais souvent du mal à m’endormir à cause des ombres du jardin qui se reflétaient sur ma fenêtre. Il n’y avait pas de volet et le matin, je me couvrais les yeux avec mon doudou pour éviter que la lumière ne me réveille. Plusieurs fois par grand vent j’avais eu l’impression que les arbres du voisin allaient finir par tomber dans ma chambre.
La salle de bain était jaune avec un petit lavabo mais une grande baignoire-douche. Aucun meuble, juste une étagère avec tous les produits, les brosses à dents, le rasoir et le blaireau de mon père, quelques patères et portes serviettes. La machine à laver était dans un angle. Entre raclement et feulements aigus, elle faisait un bruit infernal pendant l’essorage… aucun bricolage ou réparation ne sont parvenus à enrayer cette présence démoniaque. Une grande fenêtre donnait sur le jardin de derrière. Je passais des heures dans la baignoire avec de l’eau très chaude et quelques Playmobils. En coulant, ils faisaient un glouglou réjouissant.
Proche du salon – salle à manger et de la terrasse, la cuisine était peinte en blanc, carrée, sobre et efficace. Pas de décoration ni autres fioritures. On y trouvait un très grand frigo, le congélateur, au ronronnement apaisant, était toujours plein de glaces, une gazinière, deux petits meubles, un pour les casseroles et tupperwares, un pour les conserves et autres denrées non périssables et un grand évier blanc. Les poubelles n’étaient pas loin au pied de l’escalier coté jardin.
Le salon – salle à manger occupait la moitié de la maison avec une table ronde dans un angle et un canapé en rotin dans le coin opposé juste face à la télévision. Une grande table basse en rotin séparait le canapé de la télévision. Quand des amis étaient là pour l’apéro, je frémissais au crissement du rotin lorsque les uns et les autres se tortillaient sur le canapé. Le tintement des verres amenait un peu de joie dans cette pièce trop sage. Près de la table ronde trônait le bahut familial remplit à ras bord de vaisselle. Je n’avais pas le droit d’y toucher de peur que je casse l’héritage familial. Dessus, il y avait un pot de fleur souvent vide et deux coquillages de Lambis qui avaient des reflets inquiétant la nuit tombé.
Lettre après lettre
Les mots se font chairs
et quand la phrase explose
le poète amuse le soldat mort.
(Journal des mots, 25 septembre 2019)