Un seul mot et tout est dépeuplé

Fukushima
Un seul mot et tout est dépeuplé
Fukushima
Un seul mot nous rend muet
Fukushima
Un seul mot pour un vide qui s’installe
effarement et déréliction
Remember Fukushima
c’est tout ce qui nous reste
à notre vocabulaire qui s’est appauvri.

(journal des mots n°186 bis / 9 mars 2014)

« votre prochain amour… »

Il y a le choc de la catastrophe. Tout est démoli. Je me réveille et j’erre dans les ruines du raz de marée. Le plus effrayant est d’être seule. Personne à qui parler. Dans les décombres, je vois les restes d’un téléphone. J’aimerais avoir quelqu’un à rassurer, un ami à appeler, un patron à prévenir. En même temps, cette solitude me rend plus légère face à la destruction du monde qui m’entoure. Je n’ai plus aucun repère face à ce paysage bouleversé. Une joie étrange m’envahit et je marche avec une intensité accrue dans mon regard. J’attends le changement. Après plusieurs heures d’errance dans un état de fatigue extrême, je rencontre un homme qui me demande : « Qui êtes-vous ? ». Je réponds : « Votre prochain amour. »

Il y a des paysages qui font peur

il y a des paysages qui font peur, l’infini  n’est pas accueillant, le vide tel un ennemi paraît déjà rempli, même les nuages n’offrent aucune échappatoire les yeux fermés il n’y a que la couleur pour repousser le cauchemar.

frénésie de lumières

Les notes de lumière
musique joyeuse
de notre frénésie de cadeaux
ce désir fou de faire plaisir
cet espoir impossible d’oublier
que la vie n’est qu’un passage
la fête qu’une éphémère épiphanie
un rire au milieu du néant

inspiré de la galerie de martineb, d’après la photo musique

C’est fait

Je me sens vide, tous ces mots déposés sur une page blanche, ces mots enchaînés au monde, le noir a glissé si vite de ma point Bic, j’avais la rage et pourtant tout s’envolait avec légèreté, l’évidence de la méchanceté, je ne voulais pas entrer dans cette spirale, je n’en pouvais plus, je devais tenter ce cri, mettre un peu d’ordre, trouver peut-être ce qui me fait si mal, cette douleur invisible comme une peur idiote d’être un peu plus qu’une silhouette au milieu du bruit et de la fureur, j’ai tracé sur ce cahier des lignes clairs, dessiné un fragment de moi, si seulement je pouvais comprendre avant qu’il ne soit trop tard.

d’après le photoblog A day in a librarian’s life, inspiré de la photo Done

Imperfections blanches

Cette fine pellicule blanche ne sait pas cacher les maux de la terre. Toutes les imperfections, les vilenies, les faux semblants mais aussi les beautés, les notes d’espoir et les petits bonheurs brillent d’évidence à celui qui sait regarder.

Ce flou sourit

La pénombre installe un calme dans mon coeur et dans le noir, je serais définitivement en paix. Je cherche désespérément une fin dans tous ces possibles quand le nuage reste silencieux. Il y a trop d’incertitudes dans ce courant d’air. Les pas ont laissé une frêle trace. Un rien d’horizon, ce flou sourit et je l’embrasse.

Je vois flou

C’était il y a longtemps
un jour où la fatigue n’engluait pas tout
le rire doux du sable sous les pieds
la mélodie des lumières
ce vent affolant
et je tournais au rythme lent des vagues
une danse pas si mélancolique
où mon corps aimait vivre l’instant
ce flou entre deux gravités

d’après le photoblog Présence Urbaine – Mister Hoveeto, inspiré de la photo Je vois flou

La promenade du viel homme

Collage autour de BergsonJ’avais écrit toutes ces lignes et je marchais ce matin-là fort des mots étranges qui avaient envahi mon esprit. La ville en devenait floue. Je ne voyais plus très bien les gens autour de moi. Il me semblait qu’on me regardait comme quelqu’un de suranné. Tout était vertige, sensation tortueuse d’être loin de tout. Il y avait cette arcade soutenant un pont à jamais désert, y compris par les animaux et les plantes. Le Pont Maudit était son surnom…

J’entendais un peu la rumeur du monde, ce malstrom de bruits et de voix, la symphonie d’un monde hyperactif. Sortir ma montre à gousset semblait installer comme une pause surréaliste. Je traversais avec indifférence brouhaha et hyperactivité jusqu’à mon salon de thé. Je compris que c’était le début de ma fin quand je vis, posé sur la vitrine : « Fermeture définitive »

la photographie est un lambeau de peau arraché à la réalité

la photographie est un lambeau de peau arraché à la réalité, la douleur étrange de ce qui devient pour un temps au moins, éternel
la photographie nous regarde autant qu’on la regarde, immatérielle immortalité qui se moque de notre vieillissement, qui nous console de l’absence mais qui ne sait pas souffrir
la photographie suspend le voyage de la lumière, juste en équilibre avant le fondu au noir et le découpage silencieux de la focale
la photographie cherche à faire danser les regrets dans notre gorge, jusqu’aux larmes
la photographie peut nous émerveiller avec ses couleurs autour de nos sourires mais elle ne peut jamais nous tuer
la photographie dépose nos souvenirs ailleurs mais l’image nous envahit jusqu’à la folie
tous les instants deviennent des images impossibles à effacer. Toujours visibles. A jamais.
la photographie n’est qu’un voile blanc derrière ce que l’on ressent.