je suis flou et il suffirait de pas grand chose pour que je m’envole

Clé accroché à une clôture au bord de la plage

Dès que le temps le permet, j’enfile mes chaussures de marche et je vais traîner sur le chemin des douaniers. Les plages, les falaises, la côte sont toujours belles quelque soit la météo. Je marche longtemps mais je prends mon temps et je m’arrête souvent. Je regarde, j’observe, je m’imprègne, je voudrais me fondre dans le paysage, j’essaie désespérément de comprendre ce que j’ai sous les yeux, pourtant, tout s’échappe, tout s’enfuie et la mer change, se dérobe et résiste à toute approche. A la fin de mes balades désespérées, je flotte, je me sens ailleurs, je suis flou et il suffirait de pas grand chose pour que je m’envole. Des mots essaient de se poser et de s’accrocher dans ma tête, je reste à coté de toutes ces syllabes ou de ses phrases qui voudrait s’imposer, s’incruster et écorcher ma peau avec leur flot de questions, je ne peux pas courir, je ne veux plus me presser, je suis à bout de force, à bout de sens, comme si je ne pouvais attraper aucune clé qui se présente sur mon passage, l’interdit est là et fuir n’est plus possible, alors je saisis les bulles de savon et les couleurs de l’océan, et soudain je respire avec le souffle de poème qui se dépose au creux de mes mains plus doux que le baiser du matin et je sais vers où va le vent des mots.

il y avait des rêveries

Il y avait des rêveries qu’on ne maîtrise pas, quand je marche à l’aube dans Montréal vide et que je m’imagine dans une autre ville plus belle, plus sensuelle, plus lumineuse, les images se déroulent sans se superposer, je me vois à une fenêtre et le beau temps m’empêche de travailler, j’aimerais m’évader mais c’est impossible, les mots tournent en boucle dans ma tête, finir, danser avec son ombre, fuir une prison (oui mais laquelle), je me sens étouffer dans ces images qui cachent une drôle d’oppression derrière leur caractère enjoué, je marche à l’aube dans Montréal vide et gris sans savoir vraiment ce que je fais, j’hésite à me reconnaître quand un miroir se présente à moi, j’hésite à me houspiller de faire ci ou ça, je suis piégé, tout me piège et me contraint dans ces pas étrangement joyeux.
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inspiré de la série le Journal de Montréal, d’après la photo Ref.274219

il faut toujours faire une échappée

Il faut toujours faire une échappée pendant des moments de bonheur intense, fermer les yeux, écouter la musique de la rue, regarder le ciel, on pourrait alors se croire en harmonie avec le monde, on a envie que tout ce qui nous entoure soit dans le même état d’extase que soi, beau comme un couché de soleil rose, léger comme une plume de nuage, virevoltant comme l’air qui brasse autour, et soudain quand on se prend l’indifférence en plein coeur, le froid glace le corps et alors il ne reste plus qu’à espérer s’envoler loin avec la première meute d’oiseaux qui passe par là…

inspiré du photoblog Wingsofflo, d’après la photo ça piaille, ça brasse l’air froid avec l’air

comme une âme chiffonnée

ce matin des fleurs de mots ont éclos du papier, j’étais jusque là à peine plus qu’un reflet, j’avais la fâcheuse impression d’être égarée dans le monde, comme un âme chiffonnée qui attendait le rebut, je m’étais réveillée plus par habitude que par envie de vivre, j’avais bien remarqué dehors quelques belles et inattendues couleurs mais je l’avais attribué à mon état de demi-sommeil, je m’étais évadée quelques minutes dans un des nombreux livres commencés mais jamais finis qui traînait dans mon appartement et le carillon léger de la boite aux lettres m’avais sorti de mon état d’abandon dans les mots, et puis soudain cet envoi postal rayonnant d’amour par sa profusion de chatoyante, puis soudain ces fleurs jaillissant de l’enveloppe, puis soudain ces mots d’une tendresse joyeuse, ont fait s’évaporer dans un déclic toutes les inquiétudes agrippées à mon coeur.

d’après le blog Wingsofflo, inspiré du billet … déjà, il avait sonné si fort qu’elle en était…

une lassitude des mots

Sous le poids des livres, il me vient
une lassitude des mots
qui ne cherchent pas
à tout nous dire

(journal des mots n°40 / 5 mars 2012)

sublimes lambeaux de peaux

Dans l’écho flou de mon visage
mes obsessions s’enfuient dans la musique
ma voix danse sur les montagnes russes
les émotions qui s’effondrent
des feuilles mortes à l’abandon
la lumière se détache
des lambeaux de peaux invisibles
le sublime se cache parfois
dans le revers d’un nuage

d’après le morceau Ain’t no Sunshine de Sister Crayon

errance d’un mot

Sur fond de musiques absurdes, je me suis perdu dans les rues à la recherche d’un mot, je croyais l’avoir sur le bout de la langue mais en fait il était dans les airs, il s’enfuyait et se posait deci delà, sur les épices ou dans l’herbe ou au bord de l’eau, le fragile avait une prédilection pour les matières instables et vulgaires, invisible mais puissant à la fois, je me sentais comme en chantier suivant ce mot et les lignes de fuite sur ce mur blanc, je n’errais pas vraiment, j’étais là au hasard et j’avais une terrible envie de crier, de mettre à distance toute cette souffrance que je voyais au loin mais qui blessait le paysage.

d’après le blog paumée de Brigetoun, inspiré d’un billet Recycler errance d’un mot

froissement heureux au coeur du monde

J’avais rendez-vous avec sa musique, quand je passais le piano vibrait par delà les fenêtres, on aurait dit que les notes cherchaient à sortir, je m’arrêtais devant cet immeuble sans personnalité et j’écoutais, parfois j’arrivais à entendre tout un morceau et je repartais, d’autre fois je saisissais au vol un passage mais je ne pouvais m’attarder, je vivais régulièrement des moments magiques où les nuages, les passants, le mouvement des arbres, le bruit d’une voiture qui démarre, n’importe quoi, entraient en résonance avec la musique, alors je souriais à cette harmonie, ce froissement heureux au coeur de monde, tout commençait à prendre du sens et quand je partais la mélodie persistait longtemps et me quittait parfois juste au moment du sommeil, je me laissais griser par la promesse des sons.

d’après le billet N’importe quoi du blog paumée, divagations de Brigetoun