Perdu dans Amsterdam

collage sur une carte d'Amsterdam

Roger aime voyager par procuration. Il s’assied devant son ordinateur et utilise Google Street View, ce service qui permet de se promener dans les rues de beaucoup de villes dans le monde grâce à des prises de vues à 360° faites depuis une voiture.

Dès que je prononce le nom d’une ville, soit entendue à la radio lors d’une émission, soit comme lieu de vacances potentielles – cela ne rate jamais – Roger fait sa visite virtuelle et m’envoie une carte bricolée par ses soins.

Il faut dire que Roger est amoureux de moi. Ses cartes sont des puzzles, des énigmes à décrypter. J’ai tout essayé : rébus, codes secrets à partir des noms de rue, construire des phrases à partir des images, comme par exemple, « aller à l’église située entre la montgolfière et l’arbre », les prédictions de Nostradamus, le marc de café… tout ! Rien à faire ! Impossible à comprendre.

Quand je donnais ma langue au chat, Roger s’énervait, et allait bouder. Il est encore plus beau quand il boude.

Avant de partir à Amsterdam, j’ai reçu cette carte, avec pour la première fois, un personnage, certes triste, mais bien présent. Ce fut le déclic, j’ai décider de l’emmener avec moi. Il a été heureux tout au long du séjour.

Un jour, avec un grand sourire, Roger m’a montré l’endroit d’où devait partir la montgolfière de sa carte. J’étais contente de le voir ainsi.

Dommage que Roger soit autiste, sinon, je me marierais bien avec lui.

(image seule aussi sur isartpostal)

la fille de papier à Amsterdam

La journée avait été étouffante. J’avais vécu recluse et concentrée sur mon reportage. Il y avait quelque chose d’étrange dans l’air. Alors que je mangeais machinalement mon sandwich au bord d’un canal, une nuée d’ampoules électriques passa, brillant dans le soleil couchant. Je saisis mon appareil photo et pris des clichés à la volée. On verra au développement.

J’entrai ensuite avec appréhension dans le quartier rouge d’Amsterdam qui était calme en cette saison à cause de l’absence de touristes. Je fis comme prévu dans mes repérages lors des nuits précédentes. Les filles semblaient ailleurs ce soir, comme pas concernées et pressées que cela finisse.

Et puis il y a eu cette fille, jamais vue avant, dans une vitrine parsemée de papiers froissés, si vivante, si attirante. Son bikini de papier semblait fragile et infranchissable en même temps. J’ai pris plusieurs clichés de ces différentes poses – heureusement que j’étais accréditée – et, une fraction de seconde, l’expression d’une tristesse fantastique passa sur son visage.

Cette photo me fait toujours autant pleurer que le soir-même en rentrant à l’hôtel sur le Herengracht.

image aussi visible sur Isartpostal

Chemins

On passe sa vie à chercher un chemin, celui qui ne nous mène pas directement à la mort, le petit sentier de traverse où l’on pourra aimer, rire, pleurer, briser quelques illusions aliénantes,

on passe sa vie sur une route pleine de brouillard avec quelques éclaircies joyeuses, ces moments rares où l’on se sent exister, ces joyeux instants où notre regard porte loin, si proche du bonheur

on passe sa vie à hésiter devant les bifurcations, sauf ceux qui croient qu’il n’y a qu’un seul chemin, le bon, alors que tous les chemins valent par le sens qu’on leur donne, quelque soit le choix, même l’évidence, reste à construire son propre itinéraire, celui qui nous permet de garder notre sourire en plein milieu de l’hiver.

d’après le photoblog A day in a librarian’s life, inspiré de la photo on the road and the winter coming

Ma vie en morceaux, la tête dans les étoiles

Ma vie en morceaux, la tête dans les étoiles
(s’est (soudain) cassée)

Dans ma vie en morceaux, j’avais parfois la tête dans les étoiles, ces moments de grâce où le temps s’arrête. Ma fille qui danse dans la neige, les pas plus légers qu’un flocon, si léger qu’elle pourrait s’envoler tel un nuage en forme de sourire. Dans ces parenthèses ouvertes sur l’insouciance, je ne trouve rien à dire. Ce silence est pris comme une menace. Alors que je commence à me détendre et que je succule la joie, me voici sommé de remarquer, de dire et d’exprimer cette fois quelque chose au lieu de cette expression indéfinissable, ce visage rabat-joie et cette attitude limite angoissante. Cela sera bientôt de ma faute si toute cette beauté vient à se casser.

Ma vie en morceaux 2/3
d’après le photoblog head full of sky, inspiré de la photo happiness

Sombre

De halo en halo, je marche sans voir une seule ligne d’horizon, je sombre dans ce labyrinthe et le pire est que je ne cherche rien, je marche et j’attends juste le prochain halo de lumière, je n’ai même pas l’espoir de trouver la sortie, de respirer à nouveau à l’air libre, de rencontrer quelqu’un ou qu’il y ait à nouveau un halo de lumière, je marche sans rien voir sans but, je suis de plus en plus fatigué, je tourne peut-être en rond dans ce tunnel noir et sans aucun son, et comme je suis muet, je ne peux même pas vérifier si je vis encore en criant, je suis certain de ne pas rêver, je ne cherche pas à me réveiller, je marche droit devant jusqu’à la fin

La photo At the Batcave vient du Tumblr de Lionel Dujol

Paysage en miette

Ma vie part en miettes, mes points d’ancrage se sont effrités et je suis devenu aveugle, ébloui par tant de violence alentour, tous ces mots acérés comme des rochers, je voudrais errer, prendre le temps d’apprécier le bleu si pur, écouter le calme du lac, appuyer sur pause dans ce diaporama blessant, la fin de notre amour, toutes les imperfections et les erreurs jaillissent du train train calme, sans compter les reproches claquant dans mon coeur pris par surprise et qui se serre, loin de tout comprendre, on dirait que les regards changent autour de soi et que tous approuvent la descente aux enfers… impossible de crier quand tout est parfait autour de vous

d’après les photos de Matt Logue, inspiré de la photo Mono Lake, CA

Feuille étrange

Entre deux lectures, je vivais dans la tristesse de rêveries angoissées, comme cette feuille gisant dans les airs, entre deux eaux, décrochée mais pas encore échouée, au risque de se fondre ombre étrange dans la brume de ce soir tragique d’automne où la nature n’attend qu’une chose, sa mise à mort saisonnière, il faudrait avoir la force d’un souffle pour sauver cette feuille, lui donner un sursis de quelques jours, la propulser vers le soleil où dans un rêve heureux qui lui accorde cette immortalité fragile des souvenirs heureux.

d’après la photo sans nom du photoblog More reveries.
(Reveries 2/3)

Histoires lambeaux

J’écoute cette musique nostalgique, comme un gout d’été avec ces accords de guitare. Je marche sur la plage, les larmes se noient dans la mer. La solitude m’assomme comme une gueule de bois. S’enivrer à la folie de la solitude puis se réveiller avec le bouche pâteuse de tristesse. Musiques électriques lancinantes qui oppressent cerveau et corps. Marcher et marcher pour reprendre ses esprits et comprendre. Le cerveau se laisse laver par l’océan agité. Le bruit du ressac et du vent éveille les neurones qui pas à pas reconstruisent du sens. Le corps détendu accélère et se laisse aller à une danse vacillante sur le sable. Le sourire n’est pas loin.

Je dis aux mots d’attendre un peu

Le soir devant mon cahier, je dis aux mots d’attendre un peu que le rêve éveillé s’achève. Les images et les sensations se succédaient comme dans un film. Je me revoyais devant ce film romantique où je m’étais sentie vivante du début à la fin comme devant ma future histoire d’amour avec ses joies, ses déceptions et ses rebondissements. En sortant la vie m’avait paru terne et flétrie.

(j’inaugure ici une nouvelle rubrique: extraits non linéaire d’une histoire en cours d’écriture ; sans lien avec des photos)