Lacérant ce petit grain de folie
laissant un petit globe terrestre dans l’arbre
illusions d’une vie après le cataclysme
si on a chanté
on a plus le droit ni d’avoir faim ni d’avoir soif
ce n’est pas pour des prunes
travailler comme un esclave
pour vivre comme un rat
c’est là où le bat blesse
la fraternité est notre âme commune
non seulement ils ont détruits nos futurs
mais
…
qu’ont-ils fait de nos rêves?
( Rêves n°31 ; 31 juillet – 01 août 2020)
sourire au frôlement du chat
Si le monde s’écroule un jour
faites que cela soit après l’éclosion du dernier crocus
de ces petites joies invisibles qui surgissent soudain
à force de cultiver notre jardin de d’amours et de désirs
d’être ensemble à regarder tomber les feuilles d’automne
à aimer le vent dans nos cheveux, à sourire au frôlement du chat
juste s’embrasser dans la douceur d’une nuit d’été
et jeter aux orties tout ce qui nous encombre le cœur et l’esprit
ne tenir qu’à la caresse du lendemain qui chante
définitivement refuser de posséder sans fin
juste avoir de l’eau et des fruits
et ne rien regretter de tous les possibles inutiles
…
qu’ont-ils fait de nos rêves ?
(Hochstatt ; Rêves n° 34 , 28 septembre 2020)
L’auteur irlandais
L’après-rencontre commence par un temps de silence agréable. Notre auteur irlandais déguste sa bière alsacienne avec plaisir. Regarder la mousse qui s’affaisse lentement semble l’apaiser. Cathy B. a fait une magnifique lecture comme d’habitude et le public déjà conquis a embarqué dans un échange simple, chaloupé et parfois pointu sur l’histoire du pays. Hugo H. a répondu sans langue de bois sur l’aspect historique.
La Winstub est pleine de clients, c’est le début du second service. La table est bancale et je n’arrive pas à stopper un des serveurs. Hugo H. sourit de la situation. Quelques poils rebelles de sa barbe grise pointent sur ses joues.
Les gens étaient présents et on sentait les bons lecteurs me dit-il pour entamer la conversation. C’est vrai que les collègues ont su fidéliser pour ces rencontres des lecteurs attentifs. D’ailleurs nous leur proposons systématiquement une rencontre lors des Belles Étrangères. Pourquoi être si critique vis à vis de vos congénères? Il faudrait savoir dépasser son histoire et enfin passer à autre chose. Cela m’énerve de les voir ressasser le passé et rester englué dans les vieilles querelles, s’échauffe-t-il en triturant machinalement les manches de son pull gris. Son regard prend soudain une teinte douloureuse. Il fuit en regardant les éléments du décor alsacien de la Winstub. Il ne lui aura pas fallu une fraction de seconde pour s’absenter, ne plus être là. Son profil ne trompe pas. Il est irlandais.
Après une nouvelle gorgée de bière pour reprendre de la contenance, je raccroche les wagons en lui parlant des Antilles, notamment la Guadeloupe, qui ont elles aussi du mal à solder leur passé. Mon maître d’armes guyanais n’arrêtais pas de bousculer les guadeloupéens en leur disant de se prendre en main au lieu de se lamenter comme des agneaux déjà dans l’abattoir.
Hugo H. m’interroge alors sur mon enfance et mon parcours, sincèrement curieux. Je lui raconte mes difficultés et mes désillusions. Vivre dans une île est particulier acquiesce-t-il. C’est pourquoi je voyage beaucoup et que j’essaie d’observer mon pays depuis l’extérieur. Je ne me sens pas bien dans ma peau d’irlandais, je ne sais pas vraiment ce que c’est être irlandais, avec toutes ses histoires et tous ces malentendus… communion autour de nouvelles gorgées de bières. Les planches de tartes flambées arrivent et couvrent la quasi-totalité de la table cachant la nappe en papier parsemée de taches de bière. Notre espace est violemment envahis par l’odeur des lardons et du fromage chaud. La faim oubliée réapparaît soudain et chacun saisit religieusement l’une des portions découpés sur sa planche. Hugo H. mange avec une distinction toute britannique, sa barbe reste propre du début à la fin et aucun élément de la garniture ne s’échappe pour tomber sur la table alors que je dois nettoyer régulièrement mon menton couvert de crème et récupérer quelques lardons sur la table.
Revigorer par la boisson et la tarte flambé, il enlève son pull gris sous lequel surgit une chemise trappeur très bariolée… un fin sourire flegmatique se dessine sur son visage en voyant mon air surpris. Ma seule faiblesse dit-il très vite avant de me relancer sur mon enfance.
Soudain plus à l’aise, je me livre aussi à des confidences sur ma difficile adaptation à la métropole, mes premiers mois étranges à Montpellier. Je ne comprenais aucun des codes sociaux. Cela n’avait rien à voir avec la Guadeloupe au niveau des relations humaines. Les réactions de mes interlocuteurs n’étaient pas compréhensibles. Parfois j’avais l’impression qu’ils attendaient quelque chose de moi, sans que je sache quoi et sans qu’ils m’expliquent non plus clairement. D’autres fois, mes paroles ou mes actions ne provoquaient pas les mêmes effets qu’en Guadeloupe.
Pendant que je parle sa main droite trace des traits invisibles sur la nappe maculée de bière et de tarte flambée. Son regard est fixé sur une table voisine, scrutant avec avidité la scène. Troublé et ne sachant s’il continue à m’écouter vraiment, je m’emmêle les pinceaux dans mon récit qui tourne court.
Après un silence intense son « Very amazing, you should write it » résonne encore en moi aujourd’hui.
personnages #5 | dialogue à un seul qui parle dans le cycle vies, visages, situations, personnages de l’atelier en ligne de François Bon
Crêperie en famille?
1/Assis à ma table, je vois bien la tablée composée de deux femmes de plus de 50 ans, un garçon d’environ 7 ans, et deux adolescentes d’une douzaine d’année. Les deux femmes sont face à face d’un coté, le garçon est au milieu et les deux adolescentes face à face de l’autre. Ces dernières sont chacune rivée à leur portable et vu les mouvements de doigts, elle échangent frénétiquement des messages avec leurs copines ou petits copains. Le garçon s’ennuie un peu au milieu et chipote dans son assiette de crêpe pendant que les deux femmes sont en conversation intime. Elles échangent sur des soucis personnels, l’infidélité d’un des maris ou une opération grave de l’autre à moins que cela soit plus futile comme refaire la décoration de leur maison.
2/ Où alors c’est un couple de lesbiennes qui est de sorti avec la famille recomposée, l’une a eu une fille et le garçon, la seconde fille est une amie dont les parents sont en week-end et qu’elles gardent. Deux bourgeoises qui ont assumé tard leur orientation sexuelle et qui maintenant s’affichent à tout va sans aucune retenue. La garçon est mal à l’aise dans cette situation et cela explique qu’il pique sa crise de nerf. Gênées, les deux filles partent en premier et les deux femmes finissent par céder au caprice du garçon et fuient le restaurant.
3/ Les deux femmes sont au restaurant pour laisser leurs maris animer l’enterrement de vie de garçon de leur meilleur pote. Elles se connaissent mal et ne savent pas trop quoi se dire dans cette crêperie, tout comme les deux adolescentes qui préfèrent échanger des messages avec leurs vrais copains/copines que faire connaissance. Du coup, la conversation est décousue entre des silences gênées et des questions polies sur les résultats scolaires, les dernières vacances ou la qualité des légumes qui, même en bio, n’ont plus aucun goût. Le jeune garçon contribue à plomber l’ambiance grâce à des caprices successifs, la mère subit les regards réprobateurs de la tablée, des autres clients et de la serveuse. Au bout du malaise, les jeunes filles sortent en premier alors que le repas tourne court et que les deux mères passent à la caisse.
4/ A part d’infimes petits signes de nervosité, rien ne laisse supposer que ces deux femmes vont bientôt se débarrasser de leurs maris, dans une sorte de crime parfait où ils s’entretuent sans qu’on ne puisse jamais les soupçonner. Profitant du coté impulsif et colérique de l’un et de la jalousie maladive de l’autre, le scénario bien ficelé doit bientôt porter ses fruits. Sentant peut être quelque chose d’anormal, le jeune garçon montre ce soir une facette capricieuse de lui-même. Les deux adolescentes poursuivent quant à elles leurs vies parallèle sur les messageries et les réseaux sociaux, pour chacune le choc s’annonce terrible car elles sont en adoration pour leurs pères!
5/ Tentative avortée de tromper l’ennui pour une famille recomposée, renouer autour de leur plat préféré dans cette crêperie pendant que les deux papas s’amusent devant leur match de foot. C’est sûr que les crêpes ne sont pas aussi bonnes que celles de leurs mamies bretonnes. Le petit n’arrive pas à se tenir et les deux filles boudent sur leur téléphone portable. Elles auraient préféré rester tranquille dans leur chambre à tchatter voire envoyer quelques sextos à leur copain. Pour les deux mamans, c’est l’occasion de se laisser porter pendant le repas -luxe de ne pas cuisine!- en lâchant même un peu la bride aux enfants. Elles papotent avec un peu d’insouciance, c’est déjà ça. Elles doivent malgré tout écourter la soirée quand les adolescentes impatientes imposent le retour en sortant dehors.
personnages #4 | imaginer c’est voler dans le cycle vies, visages, situations, personnages de l’atelier en ligne de François Bon
Souffler c’est reconstruire
Souffler c’est reconstruire
je veux des pas perdus, absurdes et éternels
le champ n’est qu’un drap qui danse
alors que le temps suffoque
ne plus savoir marcher le long d’une rue
courir toujours courir
pour rattraper les éclats de rire.
13 avril 2020
L’envahissement des fourmis volantes
L’envahissement des fourmis volantes, un souvenir d’enfance, très angoissant, à la cité Ducharmoy en Guadeloupe
La fameuse Ventoline… médicament qui n’est plus commercialisé. L’asthme intense pendant l’enfance s’est calmé depuis pour devenir très très épisodique.
Cette fois c’est un appartement dans une petite résidence à trois étages près du cimetière de Didenheim
Je garde un souvenir très vif à douze ans d’une nuit blanche ou toutes ces questions existentielles ont tourné en boucle dans ma tête.
Le décor est la plage de Petite Anse près de Bouillante en Guadeloupe. Cette plage est la matrice de toutes les plages auxquelles je pense quand j’écris. Un petit paradis loin de la route et de toutes villes avec une multitudes de bons moments passés sur place.
Cette évocation appelle le souvenir d’un verre de coca renversé sur la terrasse de mon enfance. Le sol était propre et net après nettoyage… cela m’a questionné sur les effets de la boisson sur mon estomac.
A l’époque il était courant et admis de trafiquer les pots d’échappement des mobylettes afin qu’elles soient plus puissantes et qu’elles dépassent les 50 km/h autorisés. La plupart du temps les gendarmes fermaient les yeux mais certaines fois le bruit était insupportable.
Je repense immédiatement à un chapardage de Litchis où le propriétaire nous a pris, un copain et moi, sur le fait lors d’un second passage. Après nous avoir séquestré quelques minutes dans sa cave pour nous forcer à nous dire où nous habitions. Une telle séquestration serait impensable aujourd’hui… Il nous a ensuite ramené à la maison et ma mère avait plus peur qu’il découvre la première récolte que de l’engueulade qu’elle prenait sur son incapacité à « tenir » ses enfants…
En bons adolescents cruels, nous nous moquions de celui ou de celle qui n’arrivait pas à imiter Tarzan ou le chimpanzé.
Tous les meubles de ma chambre d’enfant avaient été fabriqués par mon père. Ils étaient pratiques mais pas esthétiques.
Aujourd’hui j’utilise des masques de sommeil sinon le moindre faisceau de lumière me réveille très tôt le matin… et je dors très mal sans.
Etudiant à Montpellier, j’ai pris des cours de théâtre pendant plusieurs années et j’ai fait partie d’une troupe semi-amateur autour de feu « Les Ateliers méridionaux ». De cette petite troupe, une seule comédienne fait carrière.
Ma première déclaration d’amour, un fiasco, s’est faite sur une plage face à l’océan atlantique.
Aucun ersatz en bouteille ne remplace la dégustation de l’eau d’une noix de coco fraichement coupé après l’avoir cueilli sur l’arbre.
Je ne saurais dire pourquoi j’avais en tête Marseille en écrivant ce texte. Ce n’est pas uniquement la canicule mais je visualisais le narrateur en train de marcher dans cette ville avec beaucoup de dénivelés et arrivant à la fin dans une salle de spectacle située plutôt en hauteur.
L’image est construite à partir d’une petite zone commerciale de la banlieue de Mulhouse qui regroupe de manière improbable un Décathlon et un Cultura.
Je garde en mémoire un sentiment très fort de liberté et de puissance lorsque je barre mon dériveur devant la ville de Basse-Terre : tenir le cap malgré le sens du vent et les courants marins ! L’ivresse du vent de la course quand j’ai trouvé le meilleur réglage pour les voiles et la meilleure trajectoire dans l’océan.
Première boite de nuit pendant mes premières vendanges à Sommière (Gard). Un lieu improbable perdu dans la garrigue, un parking chaotique mi-béton mi-terrain vague, une façade décrépie qui faisait illusion la nuit…
Pour Aimé Césaire, je pense surtout au recueil « Moi, laminaire… » et cette référence aux algues
Cela m’a beaucoup amusé d’imaginer cette scène où la femme jouit des mots prononcés tout autant que des caresses de son compagnon
Les chansons et la musique d’Alain Bashung sont des rêveries sensuelles et nostalgiques
La bibliothèque était situé dans l’un des quartiers dit sensibles de Strasbourg. Elle est accolée à un Centre Socio-culturel à proximité d’un parc. Les immeubles autour étaient, à l’époque, en bonne état avec des commerces et des associations dynamiques. Il y avait une ambiance de village car le quartier était proche de la campagne.
Je me rends compte après coup que je n’ai lu aucun des livres de la rentrée littéraire 1996 alors que je les avais choisis…
Par la suite, nous sommes allés ensemble voir un concert au Festival Jazz d’Or. Outre la virtuosité du groupe et les différents morceaux de jazz classique, j’avais été impressionné par l’humour et la complicité joyeuse entre les musiciens. Je n’avais encore jamais vu cela sur scène.
La Rochelle est une ville où il fait bon se promener au hasard des rues et en bord de mer, surtout le soir ou hors saison.
Jouir avec Dostoïevski
Il avait oublié de fermer sa fenêtre à la tombée de la nuit la plupart du temps ce n’est pas gênant il faut vérifier si un scolopendre ou autre petite bestiole n’est pas venu se glisser dans le lit ou au pied du bureau la c’est l’invasion biannuelle des fourmis volantes il a le cerveau tétanisé les poumons se serrent la respiration devient sifflante il doit vite trouver son inhalateur il se sent envahi de partout la fenêtre se ferme sur la troupeau d’immeubles il doit maintenant réviser ses partiels l’appartement est suffisamment aéré il va dans l’autre pièce sans fenêtre où il a installé son bureau justement pour pouvoir se concentrer plus facilement il regarde le ciel bleu layette juste avant le couché de soleil à droite de son ordinateur il cherche l’inspiration pour son poème en cours d’écriture il se sent pénétré par la douceur du ciel la fraicheur du thé vert encore dans sa bouche enveloppe son matin d’hiver ce dimanche si paisible où la neige n’est pas encore tombée il sait que le cimetière se cache juste derrière l’arbre il le voit en hiver quand les feuilles sont tombées il repense à ses parents morts à quelques mois d’intervalles très vite sans signes avant coureur il ouvre les yeux en pensant à la mer caraïbes si proche qu’il pourrait presque entendre le ressac dans sa chambre il a son cours de voile cet après-midi il attend avec impatience le moment où le vent sur sa peau guidera sa navigation et les réglages de son dériveur sa respiration apaisée grâce au médicament il détruit méthodiquement les fourmis volantes et celles qui ont déjà perdues leurs ailes il sait qu’il ne pourra pas s’endormir tant qu’il ne sera pas sûr des les avoir toutes éradiquées il allume sa plaque électrique pour faire chauffer sa soupe en sachet il faut déjà nuit dehors et il se sent seul il entend vaguement le bruit des autres locataires chacun de sa chambre chacun dans sa bulle il vient de finir de relire Les Frères Karamazov il doit maintenant écrire sa dissertation dont il n’a pas encore compris le sujet il allume la télé pour regarder Nulle part ailleurs et s’amuser un peu avant de passer une partie de la nuit à écrire sur Dostoïevski enfin allongé dans son petit lit en bois il est soulagé de s’être débarrasser des fourmis il espère que le sommeil viendra vite il espère un nuit sans cauchemar soudain sans savoir d’où lui vient cette interrogation il commence à se demander pourquoi il vit pourquoi il vit ici maintenant pourquoi il est là et pas ailleurs ce matin l’arbre est nu et il ne cache plus le cimetière vide personne il n’aime pas les cimetières il y va juste pour les enterrements pour soutenir les vivants il entend passé une voiture dans la rue principale du lotissement il aime ce bruit qui augmente puis diminue sorte de parenthèse dans le joyeux silence.
Deux parallélépipèdes enchâssés l’un sur l’autre, l’un minéral et mystérieux avec ses petites meurtrières en guise de fenêtres, l’autre blanc et translucide tant il y a de baies vitrées qui reflètent les arbres, les gens, les maisons alentours, les oiseaux et le ciel. Cette grande médiathèque qui abolit les frontières intérieures et extérieures avec le dehors qui se diffracte à l’intérieur sur les alignements plus ou moins homogènes que forment d’autres parallélépipèdes que sont les livres, les CD et les DVD. Telles des ombres vivantes dans cet aquarium où sont réfugiés les histoires rêvées et savantes du monde, les femmes et le hommes sont des silhouettes floues à la recherche de leur incarnation.
Ce que je préfère, c’est le massage des vagues la nuit, aucune autre perturbation, le vent fort lui m’affole et me bouleverse en dispersant mes grains de sable à tout va, au petit matin je frissonne sous les pattes des crabes, j’essaie vainement de comprendre si leur trajet m’envoie un message, et puis je tremble à l’arrivée des voitures et des hommes qui en sortent, petits ou grands, ils n’ont de cesse de courir vers la mer, observer les pieds de tout forme me distrait un moment puis je me lasse de ces va et vient perpétuels sans autre logique que d’alterner plongeons et bronzages, le pire vient des enfants qui me triturent, me creusent ou me sculptent, je n’en peux plus des châteaux de sable et autres digues, des mots d’amour et autres kyrielles de prénoms… en revanche, j’attends avec impatience et je me passionne pour les jeux de ballons divers et variés, j’admire l’adresse et la dextérité dont je ne suis pas capable, je suis jaloux des rire et des connivences que cela créent entre joueurs, moi désespérément immobile, soumis aux aléas des courants marins et du vent, que j’aimerais pouvoir virevolter, danser, me jeter par terre, tourbillonner au sol et enchaîner figures ou cabrioles, parfois en fin de journée quand le calme revient, je me sens lourd et inutile, encore plus insignifiant que tous les rochers qui m’entourent.
Un soir d’été alanguis l’un à coté de l’autre trop chaud douceur des caresses chercher la bonne musique paresser en écoutant Bashung vertige draps froissés finir de s’embrasser chercher un peu de fraîcheur écouter la respiration de l’autre mélanger nos doigts ce petit souffle dans le cou « à l’arrière de l’auto » riff de guitare violon accordéon l’accord emporte un nouveau rêve demi-sommeil qui attend respirer le nez soudain dans les cheveux « hennir » la fraîcheur ne vient toujours pas
Il faudrait s’asseoir CHAISES je ne sais pas choisir laquelle elles sont trop nombreuses dans cette grande pièce vide sans personne CHAISES qui s’enfuient et me font peur il n’y a personne dans la grande pièce vide trop nombreuses les CHAISES je voudrais m’asseoir car je suis fatigué j’ai beaucoup marché depuis le chant du coq mes pensées sont désordonnées pas comme ces CHAISES en rang et impressionnante d’immobilité je pourrais en déplacer une oui mais laquelle et cela se verrait une manque dans cet amas de CHAISES qui n’ont pas toutes la même forme certaines sont confortables et moelleuses d’autres sont carrées et dures comme du granit il faudrait s’asseoir je suis si fatigué je n’en peux plus d’avoir errer dans la ville toute la journée impatient de venir ce soir comment trouver sa place au milieu de ces CHAISES pas un bruit à peine l’écho de mon souffle affolé plutôt épuisé mon souffle à bout de souffle et mon corps rêve de CHAISES
Hypothèse n°1 – la femme à la chaise.
Le narrateur serait en train de mourir. Sa mémoire étant déjà vacillante, il se souviendrait à la fois de moments importants de sa vie mais il aurait aussi des images plus anecdotiques qui s’imposeraient sans aucune logique.
Le narrateur s’enregistrerait sur des cassettes audios pour ne pas oublier. Parfois il revient en arrière pour écouter à nouveau un des moments forts. Il aurait des larmes. Parfois il appellerait à l’aide et une infirmière viendrait le rassurer et lui donner des médicaments.
Le lecteur pourrait avoir l’impression que c’est un fou qui délire mais non il s’agit bien d’un homme de plus de 90 ans qui est au seuil de la mort. Seul. Il n’attendrait aucun visite. Il aurait juste cet enregistreur. Le narrateur aurait écris sur la paume de sa main: « méfie-toi tu es déjà mort ».
Le narrateur parlerait toujours de la même femme, son premier amour, qu’il a rencontré alors qu’elle se promenait dans la rue avec une chaise. Il la suivra jusqu’à ce qu’elle s’assoie dans un parc public. La narrateur lui aurait fait une déclaration d’amour à cette occasion.
La femme, une antillaise, lui aurait dis un flot de phrases en créole, pour finir par un défi dit en français: « si tu me retrouve en Guadeloupe, nous nous marririons. » Puis elle disparut si vite que le narrateur avait cru à un sortilège. Il aurait récupérer la chaise vide pour la ramener chez lui. Depuis le narrateur ne s’assiérait plus que sur cette chaise. Ce qui est embêtant quand il est hors de chez lui, soit il amène partout sa chaise, soit il reste debout.
Après avoir fait des économies, il serait parti en Guadeloupe avec sa chaise comme seul bagage en soute. Il aurait erré sur l’île en long et en large, il en aurait même fait le tour à la nage. Ce qui n’est pas facile avec une chaise sur le dos. Rien à faire. Introuvable. A force de marcher, le narrateur serait devenu très maigre. Il paraît que Giacometti l’a croisé lors d’un séjour en Guadeloupe et se serait inspiré de lui pour ses silhouettes qui marchent.
Un jour de canicule alors que le narrateur repassait pour la énième fois dans l’allée Dumanoir, une palme lui est tombé sur la tête et il se serait évanoui. Ce serait ce moment-là que choisis la femme à la chaise pour ré-apparaitre, lui reprendre sa chaise et lui donner un baiser qui le réveilla.
Hypothèse n°2 – La pièce de théâtre
Le narrateur viendrait de rencontrer une femme et lui ferrait des confessions sur sa vie. Il lui murmurerait des moments de son passé mais aussi des rêves qu’il aimerait accomplir ou lui raconterait à sa manière un moment passé ensemble comme leur deuxième nuit d’amour et de tendresse.
Il lui décrirait les lieux de son enfance. D’un tempérament angoissé, il lui raconterait ses angoisses existentielles. Au fur et à mesure, le lecteur découvrirait un héro tourmenté qui écrit du théâtre et qui s’allège de ses souffrances passées.
Outre les moments intimes avec sa compagne, il y aurait le récit des répétitions de la pièce qui se développerait aussi à partir des improvisations et des accidents sur scène. Le texte se terminerait par la représentation finale avec le narrateur en récitant et sa compagne en étoile filante venant dire des poèmes énigmatiques à différents moments. La pièce ferait aussi parlé des objets ou des éléments du décor y compris le sol qui serait un témoin important de l’histoire.
Hypothèse n°3 – En attendant la fin
Il s’agirait d’un écrivain en panne d’inspiration qui erre dans La Rochelle. L’écrivain observerait les passants et les immeubles notant tout azimut des idées sur un carnet rouge. En rentrant dans son appartement, l’écrivain, dans la frénésie de la marche, commencerait à écrire un texte et puis… soudain au bout de quelques minutes, il s’arrêterait comme figé.
Dans son bureau, il s’accumulerait ainsi plein de textes inachevés ou en suspend. L’écrivain essaie régulièrement d’en reprendre l’un ou l’autre en partant des notes prises sur le vif. L’un ou l’autre texte avancerait de manière laborieuse sans que l’auteur soit satisfait. Les ratures ne seraient pas rares.
L’écrivain aurait du mal à fin ses textes. Il lui arriverait aux heures des doutes les plus douloureux de vouloir tout brûler ou d’embaucher un nègre ou de plagier ses auteurs favoris.
L’écrivain finirait par prendre une drogue euphorisante dont nous tairons le nom. Grâce à elle, il terminerait son premier roman intituler « En attendant la fin » qui eut un petit succès critique auprès de chercheurs en littérature contemporaine, d’écrivains marginaux comme François Bon et d’infirmières insomniaques qui accompagnent les malades vers la mort.
Après ce livre, personne n’aura plus de nouvelles de cette auteur qui s’est volatilisé dans la nature.
Hypothèse n°4 – Jouir avec Dostoïevski
Hypnotisé par la boule à facettes et en transe à force d’avoir danser, la narratrice rêverait d’une nuit d’amour en bord de mer. Entre deux baisers, d’abord chaste puis de plus en plus intense, elle imaginerait des histoires pour son amant. Dans un premier temps, elle broderait à partir de ce qu’elle voit autour d’elle. La fatigue lui ferait beaucoup parlé de chaises, de canapés, de bancs, de lits, de hamacs, de transats, de fauteuils moelleux, de banquettes confortables et de matelas rebondis. Pendant les préliminaires, elle réciterait des poèmes connus par coeur de René Char, d’Aimé Césaire, de Lionel Ray ou de Jeanne Benameur avec sur le bout de la langue cette envie des les mélanger pour en créer de nouveaux, quelques fois ce sont des chansons de Bashung, de Nougaro ou de Souchon qui sortiraient entre deux petits râles de plaisir. A la première pénétration, elle convoquerait les classiques de la littérature Proust, Stendhal, Hugo, Hémingway, Nabokov et à l’approche de la jouissance ce sont les russes Dostoïevski, Tchekhov, Tolstoï ou Boulgakov.
Dans la phase d’apaisement, elle se rêverait navigatrice en solitaire, danseuse étoile, écrivaine à succès, chanteuse de charme ou astronaute juste avant de s’évanouir sur la piste de danse de la boite de nuit.
les mots on ce goût d’utopie
Croquer la mangue
les mots ont ce goût d’utopie
et la phrase nous enivre d’espoir
fragrance joyeuse du fruit de la passion.
(Journal de mots du 12 octobre 2019)
Je me suis redressé pour faire fuir les fantômes
Je suis né loin de tout. Je suis né dans le brouillard. J’ai gigoté et j’ai souris très vite. J’ai aimé sourire tout le temps.
J’ai grandi dans la chaleur. Je bougeais sans cesse. J’ai souris encore et encore.
J’ai entendu de nombreux silences et j’ai ri pour les combler.
Je me suis redressé pour faire fuir les fantômes.
Je mangeais tous les fruits exotiques avec appétit. Je regardais les bananiers sans savoir ce que c’était. La nuit, j’attendais que les ombres disparaissent avant de m’endormir. Je ne pleurais pas. Un jour, je me suis réveillé dans une voiture, tout devenait tangible et dangereux. Je me souvenais de tout.
J’ai marché très tôt pour assouvir ma curiosité. Je voulais voir le monde. Je voulais tout voir. J’ai tout vu et je n’ai pas tout compris. C’était trop dur à comprendre à mon jeune âge et quand j’ai grandi, je ne me souvenais plus.
J’ai joué aux billes et je gagnais souvent. Je me suis déguisé en Zorro pour sauver le monde et pour être aimer des jolies femmes. J’ai beaucoup joué au Playmobil en inventant des milliers d’histoires avec mes figurines: cow-boy, indien, Zorro, aventurier, scientifique et autres explorateurs. J’ai voulu être un héro dans tous les domaines. J’aimais m’évader très loin de cette petit île, trop petite pour ma curiosité. J’étais curieux de tout les paysages du monde et je les regardais dans les livres ou à la télévision.
J’ai fais de l’escrime pour vraiment être Zorro, celui qui gagne toutes les compétitions. J’en ai gagné quelques unes mais pas assez pour devenir un héro.
Je lisais Tintin, Spirou, Gaston Lagaffe, Luc Orient, Tif et Tondu, Alix, Blake et Mortimer… je lisais beaucoup de bande-dessinées et je voyageais. Je lisais des bibliothèques vertes ou des Signes de piste. J’aimais surtout les histoires d’espionnage, celle de Lieutenant X et la science fiction, les histoires de voyage dans le temps.
J’ai beaucoup regardé la télé, beaucoup trop. J’allumais dès que les émissions pour enfants commençaient et je restais bêtement devant. Vide. J’aimais ce vide en attendant qu’il se passe quelque chose autour.
J’ai fait de la voile pour savoir un jour partir tout seul. J’étais bon en voile. Je maitrisais le vent. Quand j’étais sur mon dériveur, tout seul, je me sentais le maître du monde. Je maîtrisais ma trajectoire, ma vitesse, mon environnement et je n’avais aucun obstacle face à moi. L’océan et le vent étaient mes amis.
Je me suis fourvoyé dans des études scientifiques. La voie royale pour réussir sa vie et avoir un travail plein d’avenir. Je n’y comprenais rien. Le monde était devenu abstrait et beaucoup trop compliqué. J’ai perdu un temps tout sens commun. Rien n’avait de sens. Alors j’ai fait du théâtre pour ne plus être timide, pour être à l’aise avec mon prochain, pour savoir quoi dire quand je rencontrerais l’âme sœur, pour comprendre certaines réactions dans mon entourage,… j’ai fait du théâtre pour enlever un peu de mystère dans le monde qui m’entourait. Je pouvais enfin être quelqu’un d’autre, être un héro, dire des mots qui n’étaient pas de moi, prendre des risques, faire des choses que je n’aurais jamais osé ou imaginé faire dans la vie. J’ai pu dire mes premiers mots d’amour sans avoir peur. Je suis tombé amoureux d’une chimère. J’ai dû fuir cet amour dévorant, toxique, j’ai quitté cette femme que j’aimais par dessus tout mais qui ne donnait rien, à personne, j’ai grandis dans cette fuite. Je suis resté longtemps comme un convalescent, spectre joyeux au milieu des vivants. J’ai eu peur d’aimer à nouveau.
Je suis devenu passeur de mots, par hasard, et j’aime ce métier de passion, de partage, de rencontres et de découverte permanente. Bibliothécaire.
J’ai participé à un atelier d’écriture dans la MJC du village d’à coté. J’ai adoré écrire des textes courts, des poèmes, des textes drôles, des nouvelles policières, des histoires fantastiques ou extravagantes. Je m’y suis fait de nouveaux amis.
J’écris des poèmes tous les jours. J’écris des textes courts pour ne plus être dans le brouillard.
J’ai lu Peter Handke et j’ai écris ce texte pour ne plus être loin de tout.
Murs en parpaing
Quand je sors de la voie rapide, il y a d’abord mur qui protège la piste cyclable, des jardins ouvriers avec leurs petits chalets derrière un grillage, l’extrémité du terrain de foot lui aussi derrière un grillage, un bosquet d’herbes folles et d’arbustes sur un talus qui cache le reste du terrain de sport municipal, puis un mur en parpaing brut de 96 mètres sur 5 mètres de hauteur avec au tout début un panneau route prioritaire et virage à angle droit. Jusqu’au mur, il y a régulièrement de grosses pierres pour éviter que des véhicules puissent se garer dans ce virage. Sur la crête du mur de parpaing, tout le long, on voit des bouts de ferraille proprement découpés qui supportaient des fils barbelés. Le mur gris n’est pas parfaitement lisse. Une petite dizaine de parpaing à différents endroits dépasse de quelques millimètres créant ainsi des aspérités. Je peux voir des traces de gravillons ou de souillure de terre par-ci par-là. Le mortier à légèrement coulé au début à peu près à la moitié de la hauteur. Un moment de distraction des ouvriers? Sinon le mur ne s’effrite pas et il est presque propre tout le long, sauf une petite coulure noire au milieu sous un morceau de ferraille. Pas de traces de pollution non plus. Seule la rangée la plus près du sol est plus foncée et donne l’impression d’être recouverte d’une couche de gras. Les stries du parpaing défient les intempéries et les petits espaces de verdure à proximité. Une telle beauté gris brut et immuable force l’admiration. De ma voiture, je peux apercevoir une série de graffitis, le mot JOKE très stylisé, un mot de 4 lettres indéchiffrable avec la signature AMG, 5 lettres cachées dans deux triangles et trois ronds, une tache rouge informe avec autour de paumes de main rouge très effacées et à la fin, tout près du portail, trois mots rapprochés mais très délavés, BARRO deux fois et un mot de 5 ou 6 lettres incompréhensibles. Il faut dire que le trottoir large d’à peine 1 mètre de large ne permet pas aux artistes de s’exprimer en toute sérénité d’autant que la rue est très passante, des centaines de voitures tout au long de la journée, quelques camions venant livrer les entreprises alentour, et la nuit des dizaines de voiture circulent à vive allure quand il y a moins de circulation. En plus ce mur est à proximité d’une voie rapide et les graffeurs risquent d’être surpris à tout moment par l’arrivée de la police sans possibilité de s’échapper. Derrière le mur, c’est une médiathèque comme l’indique l’enseigne posée après le mur. Cela ne donne pas trop envie d’aller voir. En face du mur, de l’autre coté de la route, se trouve le magasin d’une chaine qui vend tout et rien à bas prix, un bazar qui solde en permanence.