Photo du 20 janvier 2012

j’en ai pleuré, comme un gamin, quand je me suis posé sur ce bâteau, tout ce monde autour et la houle, légère comme une main qui berce, la gorge d’abord nouée je regardais autour de moi, premier jour en plein air depuis des lustres, je ne me souvenais plus du vent, du soleil et de la densité de l’air, les gens ne me regardaient pas comme un malade, avec ce mélange de compassion et de peur de la mort, certains me souriaient, je sentais une joie désespérée m’envahir et les larmes sont venues d’un coup quand j’ai vu ces ballons accrochés au bastingage, ce fut un moment de grâce, comme on en connaît peu dans sa vie, une épiphanie, et j’ai pleuré, comme un gamin, pendant quelques instants j’avais même du mal à respirer, mais il y avait de la joie dans ces spasmes, une plaisir à capturer l’air à plein poumon, ce fut la première photo de mes premiers pas hors de l’hôpital.

Photo du jour du 20 janvier 2012 par @gozdekenter sur web.stagram

Photo du 13 janvier 2012

Quand j’étais enfant, je rêvais de la ville, je voulais y aller, j’y mettais toutes mes forces à l’école ou aux champs quand je devais travailler pour mon père, j’y pensais tout le temps, il y avait ce rêve récurrent où je marchais sur l’eau avec ma petite soeur et nous voyions la ville surgir de la mer au loin, les immenses immeubles étaient beau, d’un beau écarlate, plus beau que toutes les merveilles que j’avais eu l’occasion de voir à la télévision, j’attendais, j’ai attendu, j’ai cru à mon départ, j’ai travaillé à l’école pour être le meilleur pour avoir droit à une bourse, j’ai travaillé dans les champs jusqu’à en être groggy pour mettre de l’argent de coté, j’avais acheté une carte pour mon trajet et je m’étais renseigné sur les logements, il ne restait plus qu’à traverser l’eau du rêve et à toucher le corps sensuel de la ville, et sans crier gare je me suis retrouvé aveugle, pas d’accident, pas de maladie, juste un rideau noir qui tombe dans ma tête, il ne me reste que la tristesse, ce rêve et les mots dits qui m’accompagnent mais que je ne pourrais jamais répéter.

d’après la photo du jour 13 janvier 2012 de @genie688 sur web.stagram
http://web.stagram.com/p/550940810_1232537

Photo 6 janvier 2012

c’était un drôle de pont, il enjambe sans traverser, il est fuyant comme absent sous nos pas, il est impossible de savoir d’où il vient, la légende dit qu’un matin ce pont est apparu au dessus de la rivière peu après le décès d’une jeune femme morte en essayant de passer à la nage les courants violents
même prendre le bac où le bâteau était dangereux, les jours de pluie le pont brillait d’un orange fluo démoniaque, les villageois des deux bords ont longtemps hésité à l’utiliser, encore maintenant certains s’y refusent catégoriquement
certains font mille salamalecs et mille offrandes avant d’y aller, certains passent en courant, d’autres en se font plus léger qu’une plume ou font de long détour pour passer sur d’autres ponts
les plus jeunes sont les plus inconscients, ils traversent nonchalamment tout en bavardant ou en téléphonant, les vieux s’énervent, les invectivent ou les maudissent car ils craignent que le pont si utile disparaisse un jour aussi vite qu’il est venu à cause de leur manque de déférence
les plus fous lui vouent un culte ostensible avec force prières et autres processions, mais le plus étrange c’est qu’une règle non écrite fait que personne ne l’utilise sans avoir revêtu l’habit le plus extravagant de sa garde robe… et surtout personne ne regarde en bas vers le fleuve lors qu’il traverse.

d’après la photo du jour 6 janvier 2012 de @missbucci sur webstagram