Jeux graves

Nos jeux et nos folies s’entrechoquaient sans penser à demain jusqu’à ce que la ruine affecte peu à peu nos lieux de luxure laissant pantois ces objets si rassurants, notre vie belle, et nos corps trop légers dans les gravats s’évanouissaient tout doucement dans la lumière… parfois par beau temps il nous est permis de repasser quelques secondes, dans le rayon de lumière, damnation éternelle de voir la décrépitude inexorablement gangréner notre passé.

d’après la série « The Ruins of Detroit » de Yves Marchand&Romain Meffre, inspiré de la photo Ballroom, Fort Wayne Hotel

Musique désarticulée

Il y avait ces moments de grâce où assis devant le piano mes mains appuyaient sur la mélancolie des auditeurs, les larmes glissaient généreusement sur les visages de mes geôliers, je riais des sous-entendus et des aveux de ma musique, ma langue avait finis par ne plus me manquer, ils n’avaient pu m’arracher que cela, leur tortures et leurs humiliations n’étaient qu’un ersatz des bouleversements du monde fuyant sa ruine, les mots étaient devenus si vains face au désastre, il m’a fallu à peine quelques semaines pour les amener au désespoir, à cette rage de tout détruire autour d’eux et… j’ai souris en sentant mon corps se désarticuler sous leurs balles.

d’après la série « The Ruins of Detroit » de Yves Marchand&Romain Meffre, inspiré de la photo piano

Mon oeil surréaliste

Entre deux moments surréalistes, je n’arrivais plus à rêver l’autre coté de la porte, cet au-delà de ma vie faite de scotch plissés et informes, tout est cassé en moi sans ces songes si sensuels qui décrispent ma mâchoire, si demain la porte s’ouvre est-ce que je reconnaitrais mon oeil?

d’après le photoblog More Reveries, inspiré de la photo Eye

Rêveries, encore…

Entre deux rêveries, je m’enfuis vers des souvenirs qui effraient par leurs imprécisions, ces photos qui évoquent des instants incertains, plus fugace qu’une goutte d’eau, de visages connus mais aussi distants que ces meubles qui m’entourent, un sourire, une silhouette, un sentier comme autant d’étranges suspensions dans mon cerveau, des ombres tranchantes qui attaquent les interstices de mon existence, me laissant épuisé pour longtemps.

inspiré du photoblog More Reveries, d’après la photo Joy is
Reveries 3/3

Feuille étrange

Entre deux lectures, je vivais dans la tristesse de rêveries angoissées, comme cette feuille gisant dans les airs, entre deux eaux, décrochée mais pas encore échouée, au risque de se fondre ombre étrange dans la brume de ce soir tragique d’automne où la nature n’attend qu’une chose, sa mise à mort saisonnière, il faudrait avoir la force d’un souffle pour sauver cette feuille, lui donner un sursis de quelques jours, la propulser vers le soleil où dans un rêve heureux qui lui accorde cette immortalité fragile des souvenirs heureux.

d’après la photo sans nom du photoblog More reveries.
(Reveries 2/3)

Lire en automne

Entre deux averses ce livre rongeait ma solitude, l’automne était ma période fétiche pour lire et vivre par cafard interposé cette nuit perpétuel en moi, tenter de détromper le flot de questions affluant quand l’hiver empêchait les distractions extérieures, la bière dégoulinait dans ma torpeur près d’un feu brulant, tisonné à blanc pour provoquer cette fatigue hypnotique et bienveillante du feu de cheminé, j’arrivais alors à ne plus penser et me laissant porter par ces suites de mots menant nulle part sinon à un sommeil pas trop cauchemardesque, la dernière gorgée de bière est la plus amère, sensation d’une vie longue en bouche, qui s’accroche

inspiré de la photo Beer and a book du blog More reveries.

(Reveries 1/3)

Mirage joyeux

Le sable brillait d’un halo tendre, nos rires crissaient plus forts que nos pas, on aimait se raconter des histoires de mers et de voyages, l’avenir était au-delà des océans avec force aventures et joyeuses surprises, quand il est apparu, on a cru le reconnaître, ses bras s’agitaient comme un signe d’amitié, une invitation, on a couru

il dansait sur la dune, il glissait avec classe, il virevoltait au milieu de la poussière du sable
… nous avons failli croire à l’arrivée d’un nouvel ami, nous avons failli croire à l’espoir retrouvé, nous avons failli croire en notre survie
… la civilisation à portée de regards
sans un cri … un souffle d’air a dissipé ce mirage joyeux

inspiré des photos de Pierrot Men, d’après la photo Sarodrano 1999

Danse des mains

La danse de ses mains hypnotisent mon regard tout autant que mon corps, flou où mes sens moussent et pétillent, je ne fuis pas cette peur panique du bonheur, cet excès d’effervescence qui dérèglent la raison hallucinée par tant de paisibles sentiments et de plaisirs, j’entends le sourire de nos corps accueillir de concert la jouissance.

inspiré des photos de Pierrot Men, d’après la photo Antsirabe 1998

Je suis

Cela fait longtemps que tu es parti et toutes ces lettres ne suffisent plus. Tu me manques. Cette fois je voulais t’envoyer autre chose que des mots. J’ai demandé à Ali de faire ce dessin de moi aujourd’hui. Il est trop fort, on dirait presque une photo. Qu’en penses-tu. ?

J’essaie de ne pas grandir trop vite en attendant que tu rentres. Pourquoi es-tu parti si loin pour gagner ta vie ? Tu me manques. Ta voix qui me raconte des histoires le soir me  manque. Ton petit bisou et tes chatouilles  du matin pour me réveiller aussi !

Les copains se moquent de moi. Des fois, ils disent que tu fais des choses dégradantes pour gagner ta vie. Des fois, ils disent que je suis orpheline et que je refuse de l’accepter. Je suis trop petite pour leur faire du mal mais je te promets que je leur tape dessus de toute mes forces. Quand je serai plus grande, ils n’oseront plus me dire de telles bêtises.

Tu me manques. Reviens vite ! Tu me prendras dans tes bras comme avant et ils seront jaloux comme des poux. On doit encore changer de camp à cause de la guerre mais je fais comme dans l’histoire que tu m’as racontée une fois : je sème des cailloux entre chaque étape.

Tu me manques, alors, reviens très vite de ton pays d’en haut, du nord où tu as froid. J’aimerais bien que tu m’envoies aussi une photo ou un dessin de toi là où tu vis maintenant. J’ai du mal à imaginer malgré les livres de la bibliothèque.

L’instituteur dit que j’apprends bien et j’espère que tu le vois dans ma lettre.

Cela fait longtemps. Ecris-moi vite, Tu me manques. Grosses grosses bises.

Ta fille

D’après enveloppe « Je suis… » envoyé à Isartpostal