Où est passé la joie?

Sur ces lambeaux de mur
mon enfance se lézarde
finis le délire des parties de cache-cache
ailleurs les petits plats de maman n’ont pas la même saveur
ne plus pouvoir chanter à tue-tête du rock débile
avoir peur quand la maison est vide
où est l’insouciance à ouvrir les volets?

L’absence à tout démolit
y compris mes souvenirs.

d’après le photoblog Life through a Lens Stu’s blog, insipiré de la photo untitled du 16 oct. 2008

Il suffirait d’attendre

Je suis fatiguée d’être triste, je m’ennuie, je marche dans ce parc tous les jours mais je m’ennuie, je suis seule, je pleure à perdre la raison, je cherche peut-être l’âme soeur mais je ne supporte pas la vie à deux, je m’ennuie et pourtant la vie bouillonne autour,

il suffit d’entendre tous ces bruits et ces paroles faire une cacophonie brouillonne, je suis fatiguée mais j’attends un regard, un signe pour m’extraire de l’ennui, un sourire et même quelques mots, le sage dit d’attendre et pourtant c’est insupportable

d’après le photoblog Life Through a Lens Stu’s Blog, inspiré de la photo Knackered

Pétrification

Tout mouvement est danger de mort
L’oxygène ne manque pas
mais le corps n’ose plus
absorber l’extérieur
bouger et ressentir
même la parole
les odeurs
l’air

pétrifie

Ma ville est irréelle

Quand je regarde la ville
quand je fonds en elle
Je ne sais plus

ce qui est réel et ce qui est irréel
cet enfant qui meurt de faim, sur l’affiche
ce passant qui ne sait où il va, sur le trottoir

ce qui est important et ce qui ne l’est pas
ce film qui me promet, une belle histoire
cet ami qui bavarde, une belle déprime

ce qui m’émeut et ce qui m’indiffère
ce joli mannequin qui irradie, dans la télé
cette belle vendeuse qui me sourit, derrière la vitrine

Quand je regarde ma ville
quand je me fonds en elle
je ne sais plus
qui je suis
réel ou irréel.

d’après la galerie d’Elaine Vallet, inspiré de la photo Chantier

Mal à ma ville

J’ai le mal de ville
trop de boutiques, trop de bâtiments, trop de voitures
j’ai le cerveau au bord des lèvres
trop de bruits, trop d’odeurs, trop de contacts
je suis écœuré
tout devient flou, je me sens mal
il est trop tard
ne pas courir
ne pas vomir
ne pas s’évanouir
ne pas
non

d’après la galerie photo d’Elaine Vallet, inspiré de la photo Bruges-O

Histoire urbaine

Je ne veux pas disparaitre comme ces silhouettes qui passent (et trépassent?) devant mes yeux. Je marche, j’attends et je cherche une expression, un visage, un corps qui désire de la couleur. L’exubérance architecturale me fait plus vibrer que le pas pressé des passants. Je photographie discrètement à la volée dès que j’entends le cri de la ville.

J’aime ce temps suspendu où tout parait si limpide. La photo a capturé ce moment intime où je fais une rencontre avec la ville, avec quelqu’un, avec moi-même.  La fille au sac blanc cherchait son chemin. On s’est croisé. Elle arrivait et cherchait à mieux connaitre la ville. Son téléphone portable la reliait à son ancienne vie. La fille au sac blanc ne connaissait personne ici.

J’existais, je n’étais plus un corps errant, j’étais une âme joyeuse qui gambadait. Son visage avait changé. Enfin elle regardait la ville. Nous marchions comme deux étrangers visitant la ville, juste de passage et cherchant à enregistrer pour longtemps les moindres détails. Nous profitions de ces instants étranges où nous faisions connaissance.

Légers et euphoriques, nous avons pris de la hauteur. Vertige ou confiance, la femme au sac blanc m’a pris le bras quand nous sommes arrivés tout en haut. Immense et coloré, l’horizon nous rapprochait. Elle versa quelques larmes en posant sa tête sur mon épaule.

« Pourquoi, il faut partir? » a-t-elle murmuré.

Hormis le brouhaha de la ville, aucun bruit pendant de longues minutes. J’étais ému et désemparé au-delà de ce que j’aurais cru. Ce baiser a scellé un nouveau charme entre nous. Il y avait une harmonie dans l’air, une paix intense et impalpable entre nos corps noués. J’ai posé l’appareil photo qui nous a doucement saisi ensemble face à la ville, ombres contre couleurs.

Comme dans un conte, la journée s’est terminée dans ce restaurant fait d’alcôves intimes avec vue sur la rue et rue qui a vu sur nous. Ces balbutiements en public donnait une impression de sécurité à nos sentiments naissants alors que la salle nous isolait du reste du monde. Les ballets extérieurs et intérieurs étaient à peine un décor tant nous étions dans cette écoute sensuelle de l’autre. La façade du restaurant se mua peu à peu en calligraphie faite de mouvements abstraits où les voix s’effaçaient peu à peu. Le cercle des mots s’est refermé sur nos corps dans l’attente d’un plus tard. De tous les compliments, il ne me reste que ce haïku prononcé juste avant le silence du dessert.

« Repas en noir
pour l’ivresse
de tes lèvres en couleur »

Ce jour-là, j’ai perdu mon appareil photo.

d’après le photoblog Digital Guff, inspiré des photos: Street Photography Osaka: Shinsaibashi ; Over Kobe 4 ; Human Bento

Brouillard métallique

prendre la route sans conviction, je flotte dans ces matins brumeux, ces matins ni tout à fait les mêmes ni tout à fait différents, le goût amer du sempiternel café, toujours le même, chaque fois je traverse le pont, je suis saisis par le fol espoir -indicible- qu’il s’écroule, qu’une grande vague l’emporte, etc… et moi avec, la radio en fond sonore donne l’illusion que c’est un autre jour mais quand je rencontre un autre habitué du pont je perds davantage mes repères, je mere-perds, la coulée métallique des voitures m’emmène paisiblement de l’autre coté, puis la ville ré-apparait et je suis rassuré, je suis re-vivant, je vais au travail et c’est bien, c’est bien, c’est bien, dis-je au costume cravate posé sur le siège passager, comme pour le rassurer avant de l’obliger à me vêtir, et puis je ris de soulagement, chasser cette angoisse quotidienne qui me rend fou dans ceno-ame’s land entre la maison et le travail.

d’après le photoblog lucidtones, inspiré de la photo throg