Elle rit, de s’admirer dans ce miroir, emmené par les huissiers à la triste figure. Elle est dans sa tenue la plus excentrique, son boléro rouge vif, son châle orangefluo et ses escarpins parme . Elle a ses couches de maquillages qui fondent sous le néon de la cuisine. Elle est assise sur une chaise dans cette immense pièce où ils ont fait l’amour tant de fois.
Elle danse dans la rue, excitée comme une puce. Elle fait comme s’il ne s’était rien passé. Plus tard, elle gravit avec un acharnement maladif la pente très raide de la colline. Elle tombe, elle glisse et se relève, elle tombe à nouveau et son rire nerveux résonne alorsqu ’elle s’accroche aux branches de l’arbre pour se remettre debout. Elle piaffe d’entendre les aboiements du chien. Elle se voit déjà en train de jouer avec lui comme quand ils étaient tous les trois dans ces montagnes isolées. Elle voudrait tout faire comme avant. Elle voudrait déguster ce chocolat chaud cuit sur le poêle à bois. Elle a déjà la langue brûlée, comme s’il l’avait embrassé…
Elle s’assoie et l’attend. Elle l’attend dans tous les lieux qu’ils ont fréquentés. Elle transporte cette chaise partout comme si… Elle a repris maladivement leurs habitudes, le café du matin là, le déjeuner du jeudi ici, la sortie au cinéma en matinée le dimanche suivie d’un apéritif à La Coupole, comme si… Elle l’attend aussi avec ses habits, qui ternissent de plus en plus. Elle a ce souci du maquillage qui tend au masque comme un sortilège pour le rappeler.
Elle l’attend assise sur un boulevard, sur la place de la mairie, à la gare, devant toutes les écoles, dans le parc, dans tous les lieux improbables et… dans leur jardin. Souvent, Elle danse avec la chaise comme si c’était le bal du 14 juillet. Ce matin, il n’y a plus que sa chaise qui attend là, comme si…
d’après la première photo de la série balades du portfolio de chambrenoire