La salle vibre de toutes ses notes. Le tonnerre des cuivres s’enfonce jusqu’au dernier rang. La voix de la chanteuse s’apprête à saisir le cœur du public. Le chef d’orchestre sourit sérieusement devant la perfection des enchaînements et le silence des spectateurs est éloquent. Je répète encore dans ma tête le passage qui m’incombe. J’imagine les notes qui s’entortillent autour du cor. Le rythme s’accélère. Je sens l’instrument qui frémit. J’harmonise ma respiration avec le tempo de l’orchestre. Je prends mon souffle, je pose ma bouche et je lance cette note jaune qui va surprendre tout le monde.
le visage sur la pierre
Ce visage en pierre ne m’est pas apparu en rêve, j’avais l’impression de le caresser sur ce mur, il lui manquait juste des contours et de la couleur, chaque jour j’hésitais, j’avais peur, j’avais peur qu’on se moque, j’avais peur d’attirer l’attention, j’avais aussi peur d’être déçu par mon dessin, car chaque soir j’essayais d’affiner ce visage mais les contours s’effaçaient dans ma tête et le flou l’emportait toujours, alors je ne pouvais plus me dérober, j’achetais les crayons gras et une nuit je suis venu la dessiner, je n’avais pas besoin de lumière, à partir des reliefs du mur le visage s’est matérialisé peu à peu, les noctambules ne faisaient pas attention à moi, j’étais déjà un fantôme et quand tout fut finis, je suis repartis sans regarder et j’ai attendu le lendemain, mon retour du travail, pour passer devant et la découvrir, depuis je souris tout le temps même si ce dessin éphémère n’en a plus pour longtemps, comme moi .
Photo du jour 07 octobre 2012 – La rêveuse
à Cécile-Anne H.
La rêveuse est assise dans son jardin. La rêveuse se remémore le livre qu’elle vient de terminer. Une nième variation sur l’amour qui triomphe malgré les obstacles. La rêveuse attend les enfants qui rentrent bientôt de l’école. Ce livre l’a troublé plus qu’elle ne l’aurait imaginé avec ses questions existentielles. Dieu, et tout ça, la rêveuse n’y croit pas mais quand même le doute s’est installé. Il y a peut-être quelque chose plutôt que rien. Et si le coeur n’y est pas, la rêveuse s’est faite belle pour le repas de ce soir. Ses invités. La lassitude la quitte un peu quand elle entend le portail du jardin. Les enfants. C’est l’heure du goûter pour tout le monde.
ne pas suivre les étoiles filantes
maman me disait toujours de ne pas suivre les étoiles filantes, c’est juste une lumière lointaine et disparue depuis longtemps mais qui nous fait rêver, mais c’est plus fort que moi, je guette les moindres signes et je me précipite pour contempler, pour rêver et pour m’oublier, ces petites pauses dans mes tourments de mots sont délicieusement bizarres, le souffle d’une image apaisante, immobile et belle face de tout ce qui m’assaille, quotidiennement, le noir ne m’a jamais fait peur, au contraire j’aimerais m’y plonger et y disparaître, me fondre dans ce vide attirant, pour se prendre en pleine figure, juste avant l’aube, un réveil destructeur, la méchanceté même qui explose et qui disperse la paix nocturne, et de regretter, si j’avais pu suivre les étoiles filantes tout aurait été différent
2/3
inspiré de la série Journal de Montréal, d’après la photo Ref:267532
Photo du jour le 6 avril 2012
Comme une longue fête de famille, les retrouvailles ont été euphoriques, les embrassades et les nouvelles fusaient dans tous les sens, nous étions ivres de nous retrouver, les enfants sont partis tout de suite jouer sur la plage, leur excitation était belle à voir, l’apéritif fut moins frénétique, nous continuons à égrainer les petits faits du quotidien depuis la dernière fois, là des travaux dans la maison, ici le voyage en Grèce, ailleurs un nouveau boulot, puis les enfants fatigués ont commencé à nous agacé et le repas n’était pas encore chaud, quelques petites piques sont arrivées, la ritournelle connue des reproches, le vin coulait à flot et les esprits s’échauffaient un peu, les grands parents avaient beau calmer le jeu ou tenter de détourner l’attention, rien n’y fit, quelques belles vacheries étaient en préparation quand un enfant a fait une grosse bêtise qui a focalisé l’attention de tous les adultes contre lui, le bouc émissaire ayant été sacrifié, le calme est revenu autour du café et puis on a dansé, l’assemblée s’est dispersée au rythme des vagues, la musique s’est faite plus calme et plus discrète jusqu’au levée du soleil, les survivants sont allés en silence au bord de la mer pour admirer le retour de la lumière.
d’après une photo de @chloecyde, photo du jour le 6 avril 2012 sur Webstagram
Photo du 23 mars 2012
Si notre histoire doit commencer, ce sera ici, aujourd’hui, j’avance déterminé, une certitude inquiète m’étreint, nous sommes loin de Fukushima maintenant, je pense aux mots d’amour que je vais te dire, je pense à toi, ce visage qui m’obsède, cette aura douce et sensuelle qui se dégage de toi, cette voix qui parfois me fait frissonner, ce n’est pas notre premier rendez-vous mais je suis impatient d’être plus que ton ami et ton meilleur confident, j’ai cette faim de toi qui me donne des ailes, mon corps attend de te tenir dans tes bras, la barque glisse sur la peau de l’eau, direction le restaurant, je te caresse déjà, au bord de l’ivresse qui me donne l’illusion d’un paysage en technicolor.
d’après une photo de @endu_ungu, photo du jour le 23 mars 2012 sur Webstagram
théâtre du sommeil
Il y a de drôle de fin de journée, dans un état au-delà de la fatigue et jamais loin du rêve, impressions d’errer à l’intérieur de soi et qu’en écho maladif le décor se brouille de nouvelles images qui font peur ou qui rendent euphoriques, même sans boire on se sent ivre d’un ailleurs impossible et qui pourtant vient à nous, on aimerait se fondre dans le paysage, devenir une autre, et soudain tout percute et l’angoisse prend le dessus, t’embrasser en catimini dans l’oreille et s’enfuir pour garder ce goût de toi et cette image d’ailleurs
inspiré du photoblog Wingsofflo, d’après la photo théâtre pour fin de journée carousel au sommeil
il faut toujours faire une échappée
Il faut toujours faire une échappée pendant des moments de bonheur intense, fermer les yeux, écouter la musique de la rue, regarder le ciel, on pourrait alors se croire en harmonie avec le monde, on a envie que tout ce qui nous entoure soit dans le même état d’extase que soi, beau comme un couché de soleil rose, léger comme une plume de nuage, virevoltant comme l’air qui brasse autour, et soudain quand on se prend l’indifférence en plein coeur, le froid glace le corps et alors il ne reste plus qu’à espérer s’envoler loin avec la première meute d’oiseaux qui passe par là…
inspiré du photoblog Wingsofflo, d’après la photo ça piaille, ça brasse l’air froid avec l’air
Photo du 10 mars 2012 (Remember Fukushima)
Ma vie n’est qu’attente, j’aime méditer où que je sois, il me suffit d’un peu de silence et d’un beau paysage, je m’assoie et je ne pense plus à rien, c’est une parenthèse, un moment à moi, je rêve, je réfléchis, je me laisse aller à mes états d’âme, sans risque d’une remarque, d’un jugement, d’une compassion maladroite, je m’identifie au grain de sable qui voyage dans le désert ou à la plume qui se détache d’un oiseau, ces instants peuvent être violents quand je prends soudain conscience de quelque chose ou quand je me rappelle d’un disparu, ces derniers jours je pense au Japon, à Fukushima, le sentiment d’absurdité et de néant est encore plus intense, alors ce matin en hommage à tous ces prisonniers du rien, à tous ceux qui affrontent là-bas une menace invisible, j’ai gonflé ces ballons pour les lâcher et ainsi apaiser un peu leurs douleurs.
d’après la photo de @zenography, photo du jour le 10 mars 2012 sur Webstagram
en manque de mots
j’avais trop à dire, manquer d’air, les mots se bousculaient ou me manquaient, je n’arrivais pas à faire de photos non plus, tous ces petits riens émouvant qui se cachent sous le flou de mes larmes, quand les mots doux sont inutiles, il me reste à essayer de respirer en suivant les lignes de fuite portées par les arbres, il y a trop de reflets douloureux que j’aimerais oublier, tant d’impossibles à dire que j’efface les photos de l’appareil numérique, les mots écrits sur l’écran de mon ordinateur, ma voix devient trop faible pour être entendue, manque d’air
d’après le billet Rien du blog paumée de Brigetoun