Tracé en rouge – 8

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ta musique tonitruante ta musique de cri passionné une mue ta voix mue en violence ta musique rouge cri ton cri débarrassé l’air vif de ta passion non surgir fait surgir ce cri fait haine fait surgir ta haine rouge frappe ce cri haine ce cri aime frapper violence qui aime cette musique persistante obsédante le cri qui frappe ne pense plus qu’à cela frapper sa passion anhiller les mots pas doux non pas d’amour ce cri frappe de haine une haine explosion violence qui frappe les mains tendues les mains d’amour se tendent sur le vide sur la musique explosion sur la déflagration de la haine le rouge en étoile dispersant la musique dispersant le cri sans égard le cri contre viol de l’amour ce cri explosent le pas en avant ce pas attendu pourtant ce pas sincère simple désir ce désir sincère de s’approcher casser par la musique dispersant l’envolée déflagration contre la Lune déflagration vers le lointain le cri non le cri me fracasse son non implosion de la haine inexorable haine qui implose la peur qui libère si mal ce désir la peur qui disperse l’attente la belle attente des mots simples de mes mots doux amour crié doucement amour qui refuse l’évidence de l’amour tonnerre non tonnerre contre le sentiment qui fait peur qui attend les mots ou ou peut-être qui attend oui ou qui attend attendait a attendu a désiré trop

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Tracé en rouge – 7

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lutte non le rouge libère le cri d’amour écho doux de mes mots doux fuite enfin fuite de la peur non tu n’avais plus peur dans tes yeux tu cherchais l’air l’air vif de mes mots de ma bouche comment mes mots d’amour te plaisaient mes mots pour tes yeux bleus pour ce sourire vide pour ta passion s’écoulant rouge mes yeux inondés de larmes de rouge fatigués de te chercher si loin se souvenir de l’air vif sur ton cou les traces de rouge sur mes mains se souvenir de tes mots tu parlais tu parlais contre la boue des mots rouges des grélons en pluie de gré ou de force mes mots d’amour glissaient dans ton coeur mes mots merveilleux fracassés par la pluie le tonnerre de ta pluie tes mots non pas ces mots sortir de ta gorge sortie de ce si joli cou couper mon élan

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Tracé en rouge – 6

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qui colle te colle au sol fatigue tout fatigue le mouvement au loin engloutit le cri la musique de mots doux la boue de l’amour pour toi pour ton sourire à toi arracher ce sourire pour moi effacer la musique non les mots qui ne voulaient pas non c’est quoi ces mots contre résister non c’est que de l’amour des mots avec de l’amour s’ouvrir aux mots les accueillir au lieu non regard fixe ton cou fixe s’ouvre à mes caresses de mots de mots tendres comme le baiser non juste un baiser t’embrasser t’embrasser avec ma bouche oui feu des langues pour brûler tes peurs ma lune sur ta langue s’embrasser non ton cou tremble ton cou ton cou crispé c’est là cri mes jambes fatiguées glissent rouge il y avait déjà du rouge sur tes mains sans lune non juste des mots tes mains douces vierges oui sans sang sans lune tes mains tendues vers non mes mains s’approchent musique étouffante des pas non pas mes pas sur la boue des pas nos pas ton cri

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Tracé en rouge – 5

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il n’y a eu qu’un bruit si fort si un bruit rouge un bruit comme ta passion qui explose sous mes mains le bruit de ton coeur enfin libre sous mes mains non ce que tu ne voulais alors que sous mes mains oui t’attendait ma passion cet amour sans limites pour toi ton visage ce visage rouge avec ses yeux bleus vides et un sourire enfin un sourire dehors un sourire dehors accueil franc ce sourire intérieur devient dehors aller enfin tu te laisse aller non t’évanouir non ne pas partir devant ce n’est que du rouge tu sais la passion ces mots  plein de joie vers toi vers toi ils ne non ils voulaient t’aimer ces mots seulement t’aimer pourquoi non pourquoi la boue le mépris ce regard le fracas de ce regard la moue oui la moue le rictus fourbe devant mes mains fuir la boue fuir devant mes mains fuir la musique de ton cri mes mots t’aimaient des doux des sucrés des mots d’amour si simples une musique simple douce pas comme la boue

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Tracé en rouge – 3

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non tu dois rester encore devant mes yeux aveugles jambes épuisées de tant non marcher vivant vers ce visage est-ce toi? j’espère que c’est bien toi devant silhouette rouge la boue ralentit tout non les traces effacées plus la moindre mes mains sont rouges comme mes yeux que ton visage est pur tes yeux vides sans pleurs tu n’as pas pleuré eu le temps d’avoir des yeux sous tes larmes non tes larmes sans passion ta peur sans passion ma passion qui fait rire trop de rires dans ta bouche non rires dans ton coeur qui nargue ma passion cette joie vers toi mes mains vers toi tremblant de passion sans peur de serrer ta passion rires engloutis dans tes yeux qui se vident enfin libérer de la boue de la peur d’aimer non de l’envie de partir définitivement soi-disant fatiguée d’attendre que moi j’aime ton coeur comme j’aime ton corps non tes mots passionnés trahissent tout ton amour ton élan amoureux trop retenu enfermé trop violent cette violence rouge cet excès ce trop plein vers les autres non tu non ne pouvait pas résister

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Tracé en rouge – 2

(…)violence en toi en toi la fuite sans cesse loin de la boue loin de ton coeur apeuré les yeux fermés si clos si enclos si tellement enfermés définitivement enfermés sur le chemin vers non vers non tu n’oses non non le chemin du non enfermé si clos la boue glisse tu es loin comme perdu dans ton coeur qui refuse la Lune oui dans ma main il y avait la Lune ouvre si tu ouvres la Lune vient dans tes yeux si tu n’étais pas non un coeur blessé de frayeur effrayé de sa propre frayeur arrêtes non stop tout non accordes ton coeur au petit vent aucune frayeur n’empêche la marche je tombe j’embrasse la boue nous relie non notre lit la marche te rattrape jambe blessée faiblit à ta suite le coup fut rude non partir tu me fais faire des ronds air dans l’air extrême vif des ronds vifs pour vivre marcher vivant jusqu’à ton visage non mes yeux non ne voient plus plein de sang mes yeux brouillés de rouge amour couleur passion de rage rouge ma passion pour tes yeux bleus non pas vide ils ne sont pas vides devenus vides ils sont ils le sont dans le sang marcher encore un peu loin être loin

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Tracé en rouge – 1

Traces tracer dans la boue traces de ma jambe fatiguée je tourne rond tracer un rond presque fermé je regarde ces traces fermées pas d’horizon la clôture serre mes yeux plus aucunes traces d’elle impossible de s’envoler enfermé dans ce rond la boue ralentit pèse mes yeux fatiguent savoir où aller avancer sans savoir où au hasard guetter la moindre trace je fuis elle est partie enfuie au-delà de mes yeux ne plus voir j’ai peur de ne plus voir connaître sans voir les traces fermées laissées croire que revenir en arrière rebrousser chemin suivre les traces croire que c’est possible d’effacer son chemin suivre les traces différentes avoir un chemin dans sa tête au loin devant vide de tous mouvements pas de traces pas d’elle la boue m’attire je tombe elle m’embrasse je repousse les mains pleines de boue debout à tâtons elle est loin si proche pourquoi je voudrais voudrais encore la voir encore près de moi essuyer enfin mes larmes dans son corps essuyer mes peurs encore être pour toujours avec être pour toujours violon d’âmes pluie si proche de nos promesses toutes ses promesses fuir avec elle elle a eu peur elle a dit non elle a dit non je ne peux pas tout dire pourquoi ne plus parler sans savoir que la boue me ralentit jusqu’à toi tu crois toi être loin mais tu es vue je te vois tu ne me fais plus peur c’est toi amour tu as peur de ton amour

Ce pourrait être n’importe qui

C’était avant, la soirée s’annonçait belle, il faisait doux, le barbecue préparait de la bonne viande, je regardais les gens se servir au buffet, j’étais bien, pour une fois j’étais bien, je ne sentais aucune angoisse, toute crise d’asthme semblait improbable, je participais avec avidité aux conversations, c’était avant, aujourd’hui je regarde cette photo qui me parait si étrangère à moi-même, ce pourrait être n’importe quelle famille ou soirée entre amis, et pourtant il semble que j’y étais, c’est moi qui aurait pris la photo, il semble, c’était avant, je ne sais pas ce qui s’est passé, on ne me dit rien, on veut me préserver, on me dit juste « c’était avant », je ne me souvient de rien, je sais juste que j’aimerais y être à nouveau, j’aimerais à nouveau pouvoir être n’importe qui.

d’après le photoblog d’Ilan Bresler, inspiré de la photo Almost Everyone

la photographie est un lambeau de peau arraché à la réalité

la photographie est un lambeau de peau arraché à la réalité, la douleur étrange de ce qui devient pour un temps au moins, éternel
la photographie nous regarde autant qu’on la regarde, immatérielle immortalité qui se moque de notre vieillissement, qui nous console de l’absence mais qui ne sait pas souffrir
la photographie suspend le voyage de la lumière, juste en équilibre avant le fondu au noir et le découpage silencieux de la focale
la photographie cherche à faire danser les regrets dans notre gorge, jusqu’aux larmes
la photographie peut nous émerveiller avec ses couleurs autour de nos sourires mais elle ne peut jamais nous tuer
la photographie dépose nos souvenirs ailleurs mais l’image nous envahit jusqu’à la folie
tous les instants deviennent des images impossibles à effacer. Toujours visibles. A jamais.
la photographie n’est qu’un voile blanc derrière ce que l’on ressent.

Histoire urbaine

Je ne veux pas disparaitre comme ces silhouettes qui passent (et trépassent?) devant mes yeux. Je marche, j’attends et je cherche une expression, un visage, un corps qui désire de la couleur. L’exubérance architecturale me fait plus vibrer que le pas pressé des passants. Je photographie discrètement à la volée dès que j’entends le cri de la ville.

J’aime ce temps suspendu où tout parait si limpide. La photo a capturé ce moment intime où je fais une rencontre avec la ville, avec quelqu’un, avec moi-même.  La fille au sac blanc cherchait son chemin. On s’est croisé. Elle arrivait et cherchait à mieux connaitre la ville. Son téléphone portable la reliait à son ancienne vie. La fille au sac blanc ne connaissait personne ici.

J’existais, je n’étais plus un corps errant, j’étais une âme joyeuse qui gambadait. Son visage avait changé. Enfin elle regardait la ville. Nous marchions comme deux étrangers visitant la ville, juste de passage et cherchant à enregistrer pour longtemps les moindres détails. Nous profitions de ces instants étranges où nous faisions connaissance.

Légers et euphoriques, nous avons pris de la hauteur. Vertige ou confiance, la femme au sac blanc m’a pris le bras quand nous sommes arrivés tout en haut. Immense et coloré, l’horizon nous rapprochait. Elle versa quelques larmes en posant sa tête sur mon épaule.

« Pourquoi, il faut partir? » a-t-elle murmuré.

Hormis le brouhaha de la ville, aucun bruit pendant de longues minutes. J’étais ému et désemparé au-delà de ce que j’aurais cru. Ce baiser a scellé un nouveau charme entre nous. Il y avait une harmonie dans l’air, une paix intense et impalpable entre nos corps noués. J’ai posé l’appareil photo qui nous a doucement saisi ensemble face à la ville, ombres contre couleurs.

Comme dans un conte, la journée s’est terminée dans ce restaurant fait d’alcôves intimes avec vue sur la rue et rue qui a vu sur nous. Ces balbutiements en public donnait une impression de sécurité à nos sentiments naissants alors que la salle nous isolait du reste du monde. Les ballets extérieurs et intérieurs étaient à peine un décor tant nous étions dans cette écoute sensuelle de l’autre. La façade du restaurant se mua peu à peu en calligraphie faite de mouvements abstraits où les voix s’effaçaient peu à peu. Le cercle des mots s’est refermé sur nos corps dans l’attente d’un plus tard. De tous les compliments, il ne me reste que ce haïku prononcé juste avant le silence du dessert.

« Repas en noir
pour l’ivresse
de tes lèvres en couleur »

Ce jour-là, j’ai perdu mon appareil photo.

d’après le photoblog Digital Guff, inspiré des photos: Street Photography Osaka: Shinsaibashi ; Over Kobe 4 ; Human Bento