Saison

Petit à petit mon regard s’est fixé sur cette feuille, hypnotisé, je suis devenu feuille, prêt à s’envoler au grè du vent ou des souffles de conversations, balloté contre l’air, les corps, les arbres, les pierres, léger bruissement aussi frêle qu’indestructible mais un jour se déposer si usé et attendre un autre regard qui vous donnera la mort.

inspiré du photoblog de Xavier Rey, d’après la photo Saison (Bordeaux, France 2009)

Ivresse du repas

Sa langue caresse délicatement le fond du verre de vin doux, le zeste du citron vert pique sa bouche, ses yeux un fiévreux cherchent un réconfort dans mes mains qui apprêtent l’entrée, des beignets de crevettes sur une sauce blanche, nos dents croquent à l’unisson ces carapaces, le poulet respire de désir libéré de sa longue cuisson à l’étouffée, son jaune curry semble alangui sur le rouge, jaune et vert de la ratatouille, nos papilles frémissent en contrepoint avec les notes sucrées du Gewurztraminer, nous suçons les os de poulet jusqu’au dernier lambeau de peau et le dessert apporte les dernières promesses d’une glace au coco se lovant dans un coulis de mangue à la menthe.

d’après la proposition 296 de la Zone d’Activités Poétiques Marelle qui s’inspire de Désir, Frédérique Dolphijn, Loren Capelli, esperluète éditions, 2006.

Engrenages

Cette nuit j’allais m’amuser je devais m’amuser j’allais danser laisser mon corps s’enivrer de fatigue les tourbillons de la nuit en boite de nuit comme à Cannes comme au Festival je devais m’amuser c’était le moment ou jamais de plonger dans l’engrenage noir et blanc j’allais me laisser tourbillonner je partais en chasse proie ou être la proie peut importait la place seul le jeu en valait l’ivresse je devais m’amuser perdre tous mes repères

me noyer dans la lumière effrayer mon angoisse dans ces ambiances saturées de sons de couleurs de lumières ne plus rêver de se perdre dans le bras de n’importe qui quand plus rien n’a d’importance que la peur disparue se délecter du flou définitif des sensations tomber dans l’absurde répétition de l’ivresse des mots qui rien ne veulent rien dire déguster cette fuite quand plus rien n’a d’importance que la bouche qui m’embrassera encore une fois

ne plus ressentir son esprit s’éloigner de son corps étrange pressentiment d’actions qui se répètent fatiguant ces pas qui résonnent sur une ombre trop réel pour ne pas être en danger si loin de la lumière je ne dansais plus avec ma fatigue avec mes désirs j’accomplissais hagard ce que mon corps dictait je ne rêvais plus le peur me dominait la fuite n’avais rien tourbillonner quand tout a été finis dans un faux semblant de paix j’aurais dû me perdre je ne me suis pas assez amusé encore une fois

inspiré du photoblog les Particules Etranges, d’après le photo le gibus, un lieu mythique

Jeux sensuels

Piège de ces jambes qui ont cisaillé mes désirs jeux de main comme un chemin irréel vers une perte de l’état second d’innocence qui voulait encore rêver un peu à ces jeux d’ombre intouchable douceur du frisson d’attente le moment juste avant le froissement des peaux silence intensément sensuel en soi certitude d’une caresse irréversible quand l’autre coté du miroir est proche sans autre peur que la déception désastre intérieur incapable d’un reflet ou d’une ultime touche de couleur.

d’après le photoblog Lô’tre Page, inspiré de la photo Les dessous chics (2)

Crunch

Le futur s’écroule dans ma tête, je ne comprends plus rien, le paysage qui m’entoure est étrange, que fais-je ici loin de chez moi, loin de mon travail, est-ce que je fuis, ma vie est vide,  le travail m’oblige à répéter une litanie douloureuse, plus d’argent, plus de travail, vous ne servez plus à rien mais rester encore un peu, on ne sait jamais, si ce n’était qu’une mauvaise passe, oublier vos primes, votre salaire est réduit, soyez solidaire, c’est un strict minimum, faites un beau geste, ma femme ne sait plus quoi me dire, je me plains tout le temps, je suis exécrable, mes tous jeunes enfants -mes jolis coeurs- n’osent plus m’approcher, je suis leur grand méchant ogre, j’ai le vertige quand je vois la peur dans leurs petits yeux innocents, les objets m’en veulent, ma voiture, mon ordinateur portable, mon téléphone mobile, tout conspire à me nuire, je cours loin des tracas, prenant le métro au hasard, les gens sont bizarres et leurs regards angoissants, sortir pour respirer un peu d’air non-hostile, mais le paysage est dangereux, il m’en veut, que faire? où fuir? Non, le téléphone sonne, c’est déjà l’heure? Perdre sa liberté pour si peu, il n’aurait pas fallu, c’était inévitable.

d’après le photoblog The Rip, inspiré de la photo crunch

Tracé en rouge – 11

(…)

il n’y a plus le lointain l’attente de ton visage qui surgisse de tes cheveux non tes cheveux n’ont plus de couleurs ta main fatiguée d’avoir crié abandonne épuisée rouge quelque chose du flou rouge tombe à genoux mon corps il tombe il imagine qu’il tombe il se souvient qu’il t’imaginait espérant sa venue il se souvient des mots plein d’espoir des mots doux fabriqués pour toi il s’imagine à nouveau ces mots disparus il y avait de l’élan où des mots plein de pas vers toi des mots ayant décrochés la lune il s’imagine tendant ses mains vers ton sourire il ne voit plus tomber être dans la boue épuisé son corps vide se vide s’épuise à respirer rouge il y avait du rouge dans ses yeux ou dans sa tête il a vu rouge il y a eu un cri dans sa tête non un cri déflagration dans son crâne lointain dans le lointain elle une lointaine déflagration son visage a fui depuis avant son visage s’efface de sa mémoire il ne peut qu’imaginer oui respirer

(…)

Tracé en rouge – 10

(..)

s’efface écho de ton cri fatigué lugubre désespéré je suis désespéré de ta haine ton élan heureux devenu haine déflagration joyeuse de ta peur déflagration de ton visage crispé incapable de bonheur appelant le bonheur non voulant le bonheur oui le bonheur le bonheur du cri destructeur loin si loin ce cri fatigué ce rouge qui efface ma mémoire la mémoire de ton visage encore un peu dans ma tête grâce aux mots pas ceux d’amour non ceux d’amour sont fatigués définitivement épuisés comme mon corps à genoux dans la boue mon corps grelottant froid mon corps épuisé d’absence mon corps sans mots attendant tes mots mon corps à genoux perd la mémoire de toi à peine les contours du visage plus imaginés que tracés du réel j’imagine les lignes de ton visage, tes yeux en amande tes yeux bleu vide j’imagine avec peine ton sourire j’entends ta voix sans mots ta voix fatiguée à genoux tes mains non ta main est rouge mes yeux ne voient plus rien

(…)

Tracé en rouge – 9

(…)

qui attendait les mains espérait le pas en avant le cou frémissant bouillonnant la gorge cri la gorge attendait le signal de la haine libérer la haine libérer la musique qui s’enfuit la musique rouge des mais mais qui chante la musique du cri fatigué du cri qui se fatigue d’amour fatigué de tant d’amour ce cri qui s’endort hypnotisé cette musique violente cette déflagration rouge qui envahit mes yeux cette musique qui devient chuchotement mes yeux cherchent ton visage loin soudain si loin fatigué des mots non ne plus parler se reposer enregistrer ces traces de toi, ce goût du baiser attendu, l’élan mémorisé l’élan des mains rouges ce voile rouge fatigué garder les mots doux garder l’intonation dans ma tête se souvenir de ton visage non ce visage crispé sans sourire pourtant heureux non pas heureux rouge de passion désespérément passionné plein du refus de ma passion fatiguée non ma passion se fatigue vire au rouge ennuie la boue fatigue mes jambes qui glissent péniblement au loin si loin ton visage

(…)

Pixels humains

Quand je marche dans la rue, longtemps, je finis par avoir ce sentiment d’absence, mon corps deviendrait presque inconsistant voire transparent, je deviendrais une image imprécise, flou dans le regard des autres qui se soucient à peine d’eux-même et tellement de leur destination, du but fixé, de la fin du voyage, … qu’ils s’oublient dans l’instant, simples silhouettes entre la vie et la mort, c’est alors que la peur panique me saisit de me décomposer en une multitude de pixels informes.

d’après la photoblog The Rip, inspiré de la photo Resolution

Tracé en rouge – 7

(…)

lutte non le rouge libère le cri d’amour écho doux de mes mots doux fuite enfin fuite de la peur non tu n’avais plus peur dans tes yeux tu cherchais l’air l’air vif de mes mots de ma bouche comment mes mots d’amour te plaisaient mes mots pour tes yeux bleus pour ce sourire vide pour ta passion s’écoulant rouge mes yeux inondés de larmes de rouge fatigués de te chercher si loin se souvenir de l’air vif sur ton cou les traces de rouge sur mes mains se souvenir de tes mots tu parlais tu parlais contre la boue des mots rouges des grélons en pluie de gré ou de force mes mots d’amour glissaient dans ton coeur mes mots merveilleux fracassés par la pluie le tonnerre de ta pluie tes mots non pas ces mots sortir de ta gorge sortie de ce si joli cou couper mon élan

(…)