Faim de désert

J’accepte sans restriction le bonheur d’être là, ce désert qui est devenu ma sensuelle amie, ces frères de la soif qui m’aiment, me soutiennent et m’ont accepté comme nulle part ailleurs, je suis heureux dans l’atmosphère frénétique des transactions commerciales, je flâne dans ce foire, qui buvant le thé à la menthe, qui riant d’une nouvelle blague, qui devisant sérieusement sur la météo, qui donnant l’accolade à un nouveau venu, qui chuchotant des mots taquins à une jeune fille, qui m’arrêtant pour noter quelque chose sur mon cahier, enfin insouciant

d’après les photos d’Ernest Haas, inspiré de Camel Fair, Pushkar , Pakisthan (1972) dans la série Asia de la Color Gallery

Traversée du temps

Seule trace qui nous reste de lui

ce reflet dans la porte vitrée

Chaque fois qu’on passe, il est là

ombre impalpable, immobile,

sage devant l’arbre en fleurs

cette silhouette effacée inquiète tout autant qu’elle rassure
de sa présence

avant de fuir ses journées dans la vitre

fasciné par la profondeur de champs
il parlait de traverser le temps

d’après le blog Liminaire, inspiré de la photo La traversée du temps

Micro-fictions

1/ La confiture

La confiture bouillonne dans le chaudron. Je perds la notion du temps avec cette météo uniformément pluvieuse. Je suis enfermée dans la gangrène poisseuse de cette maison vieillissante. Plus goût à rien. Je pourrais laisser s’embraser la mixture de fruits et de sucre s’il n’y avait cette petite musique. A peine audible. Je cherche sans relâche à la situer. C’est le mystère qui me tient encore debout.

2/ « Si j’avais su… « 
Elle marche avec sa meilleure amie dans le parc. Ses bras moulinant dans tous les sens trahissent un énervement, une colère, un désarroi,…? Son amie écoute, tantôt hochant la tête affirmativement, tantôt figeant sa tête dans une expression de réprobation, tantôt levant les yeux au ciel, tantôt faisant la moue,… parfois cherchant vainement à placer une phrase… Les joggeurs à contre-courant sont obligés de contourner les deux importunes enfermées dans leur bulle. Les mains décrivent et dénombrent sans que cela puisse être compréhensible. La tension monte avec des mots méchants qui volent à droite et à gauche. Certains coureurs arborent une mine réprobatrice. Quand elles passent près de moi, l’agitée semble effondrée et déclame péremptoire: « si j’avais su, j’aurais fait autrement »

3/ L’exposition
Me voici à nouveau en train de déambuler dans une exposition photo. C’est pour lui faire plaisir. Je déambule en souriant plus attentif aux visiteurs qu’aux images. Je supporte ce moment d’ennui en la voyant détailler chaque photo et lire les explications parsemées dans les salles. Je me distrais en écoutant les conversations savantes ou banales et en observant les tenues vestimentaires. Vers la fin, je me décide à jeter un oeil afin de pouvoir dire deux ou trois phrases bien senties à la sortie et aussi à nos amis communs. Soudain une photo me glace. Je pourrais être de papier, ce papier, dans cette image.

Le combat des plumes

Mes mots sont comme des plumes
ils arrangent la lumière
dans cette pièce obscure
qu’est le monde
donnant un brin de légèreté
des ombres et une douceur feutrée
à sa fascinante architecture
de pierres et d’arêtes

d’après le photoblog Our Little Hood, inspiré de la photo Bird rearanged

Disparu dans les flammes

trop de feu dans ma vie
jusqu’au jour             tout bascule vers l’étincelle
vertige attirant de sa propre disparition
feu fou qui détruit aussi soi

en scrutant profondément
vous me verrez
fantôme qui tremble dans cet intérieur flou

aucune lamentation
juste la folie de ce vide
qui n’en finit pas

ma main     ne pourra pas toujours
dissiper les malédictions
mais mon âme,         elle,
ne cessera jamais de s’embraser

d’après le photoblog Our Little Hood, inspiré de la photo Vanished in flames

Poussière qui rêve

blanche percussion
elle jouait en suspension
sur la pierre grésillante
si belle qu’une étoile filante

j’espérais la pureté sauvage
sensuel ravage
sur mon corps crispé
fugitive clarté

le temps est passé trop vite
vénéneuse fuite
prémisse d’une danse farouche
avant que sa bouche
ne s’arrondisse
et que pâlissent

briser la transparence
ne plus menacer d’évanescence
la triste lumière
où je n’étais plus que poussière

d’après le photoblog Our Little Hood, inspiré de la photo From that dream

mixage

Grincement obsessionnel de la musique
je n’entends plus rien
lancinant larsen de l’aiguille sur le vinyle
rotation du disque hypnotise
raison qui tourne en rond
Grincement lancinant de la musique
combat au corps à corps, disque contre cerveau
ritournelle lancinante du rond
je n’entends plus que le larsen
raison s’aiguille vers un grincement
rien que le rond
rotation lancinante des mots
corps qui tourne sur l’absence de musique
l’aiguille bute
mensonge fin du silence

d’après le photoblog xrpix, inspiré de la photo DJ’s Gear at Aurelie’s Birthday Party

léger comme une bulle

Malgré le poids des mots, la vie est légère comme une bulle
le souffle d’un sourire suffit à évaporer la suie des tracas

ne pas croire qu’en s’envolant, les bulles nous oublient
leurs joies planent, diaphane traces de notre bonheur
juste lever les yeux du béton quotidien
d’un clin d’oeil les attirer
et porter en courrier
ces perles heureuses

d’après xrpix photoblog, inspiré de la photo Just Married!

Au creux de l’oreille

Elle était belle, elle écoutait
Sa folie, « dis-moi un secret »
de table en table
de l’un à l’autre
« dis-moi un secret »

Elle était triste face au silence
Elle était perdue dans ses yeux
Ses mains trop crispés sur sa folie

Elle était belle, elle souriait
quand un murmure, au creux de son oreille
frissonnait quelques phrases
Sa main légère

Jamais elle ne s’est approchée de moi
pourtant j’avais un secret juste pour elle

d’après le photoblog xrpix, inspiré de la photo Tell me a secret

Palimpseste Souchon

Les mots sont là au ras des pâquerettes, tel un baiser sur le pont des arts qui s’enfuit Rive gauche pour éviter le mépris des Foules sentimentales, la musique swingue comme un carterpillar , danse folle pour regarder Sous les jupes des filles, atroce bye-bye à l’été, regret des maillots transparents, s’éclabousser dans la mer houleuse, rire c’est déjà ça, oublier l’icône James Bond qui tue tout le monde, fuir c’est déjà ça, et surtout ne pas passer notre amour à la machine, écrire c’est lancer des balles aux oreilles profanes, les délices de l’amour, c’est la vie montgolfière avec les filles électriques qui ne riment pas avec Arlette mais marmonnent avec toutes les stars crinolines, celles qui nous ont menti comme de vieux mots maudits hurlant le bonheur sans raison.

inspiré des paroles ou des titres des chansons d’Alain Souchon