acquiescer

Je ne peut plus réfléchir, je me noie, je voudrais fuir, je me noie, mon univers est une pesanteur liquide, je bois comme je respire, je me noie, je voudrais fuir, j’ai perdu le goût des aliments et des corps et des couleurs et des mots, j’ai   , l’ombre minérale et liquide sans cesse plus menaçante, je me noie, je ne peux plus fuir, plus la force, plus la forme humaine, je deviens roche sombre, je suis fou, je me noie, je deviens liquide, résister encore un peu au noir, ce vertige définitif du vide.

d’après le photoblog maivju:z , inspiré de la photo acquiesce

Espoirs dessinés

D’un clignement d’oeil, elle s’est retournée
la fragrance de son corps écarte la palissade
je cherche les traits qui pourraient la retenir
la ligne qui briserait sa fuite
donner un contour à mes sentiments
je ne sais pas dessiner mes espoirs
il n’y a que le silence de sa beauté
effaçant l’horizon
d’une émotion tremblée

d’après le photoblog maivju:z, inspiré de la photo unrequited

Se faire un film

Je ne cours pas, je danse légèrement, mon pas accélère pour arriver vite, être présent, être là, je laisse glisser mon parapluie sur la grille du parc, le tac-tac-tac-tac-tac… résonne avec mon coeur, je jubile de la rencontre à venir, mes lèvres forment et déforment les mots qui bouleversent mon cerveau, ébullition des sentiments sautillant avec ma main incontrôlée, je fends la nuit à la vitesse d’un oiseau, je rie, je chantonne, je tremble, je ne dois pas courir, je frissonne d’être dans ses bras, à l’approche du lieu de rendez-vous je me contrains à ralentir, je veux déguster chaque seconde et chaque gorgée d’air commune, il m’attend, j’entends flotter ses cheveux, comme au cinéma, je me repasse la scène à venir, un travelling subjectif où je rentre dans la cours, le bruit de mes talons claquant le sol, je passe la scène en noir&blanc, c’est plus romantique, il se tourne et je l’embrasse dans son sourire, « coupé! la scène est bonne, on la garde ». L’appareil photo à la main, je prends ce fragment de temps suspendu, cette joie calme qui nous attend.

d’après le photoblog JENRIKS24hphoetry, inspiré de la photo Sneaking

ne pas toucher

les phrases s’effacent
la page s’épure d’une complainte
la blancheur crisse cette évidence
poésie intime des caresses
cette trame sensuelle        des coeurs
qui s’écrit sur cette peau
laissant plus de traces qu’un
trait de plume,     même généreux
froisser le corps est plus violent qu’

écraser une feuille (de papier)

les mots peuvent ne pas

toucher

la main non

d’après le photoblog maivju:z , inspiré de la photo …but not touch

légère dérive

plus je marche,
plus je monte,
plus je me sens léger, inconsistant,
frèle fremissement enveloppant
rêve léger d’être nuage
flotant informe au-dessus du      vide
voir virevoleter les cerfs-volants
se débatant impuissant d’aller si haut
l’air ivre, je chante contre le vent
si seul à siffler ma folie
avant de s’évanouir mon corps   suspendu
cherche à capter le courant assentionel
légère dérive du cerveau   si   peu   oxygéné
il suffirait de glisser sur l’air frais.

d’après le photoblog JENRIKS24hphoetry, inspiré de la photo fresh air

micro-fictions

1/ C’est dimanche.

C’est dimanche! La radio crépite sa musique au lieu des habituelles informations. Germaine découvre parfois de nouveaux airs de classique. Perdue dans ses pensées musicales, elle laisse refroidir son bol de café posé tristement sur le napperon du dimanche. Qu’importe! Elle goûte le calme d’une rue vidée de ses voitures. Germaine aère sa chambre à coucher. Chouette! Pas de ménage aujourd’hui. Elle laissera sa couette toute la journée sur le rebord de la fenêtre. De loin, on a l’impression d’un balcon fleurie. Germaine fait minutieusement sa toilette et s’habille avec son tailleur clair. Chic! Elle adore être chic. Elle se parfume et vérifie son chignon avant de sortir. Aujourd’hui sa promenade sera différente, elle passera devant l’église qu’elle évite soigneusement tous les jours, pour se rendre à la Mairie. Germaine en rate jamais une élection même si elle ne comprend plus très bien la politique. Depuis plusieurs années, elle applique la même méthode: elle fixe intensément les photographies de chaque candidat ou candidate. Elle cherche celui ou celle qui lui paraît le plus franc et le plus honnête, quand elle n’arrive pas à se décider elle vote blanc. Devant la Mairie, elle a un petit coup de fatigue cette fois. Germaine s’assoie sur le banc et regarde passer les gens, les voitures, les oiseaux, les enfants et les nuages. C’est dimanche et pourtant tout semble si différent et soudain si pesant.

2/ 320 km/heure

Doucement plaqué contre le siège, je sens l’accélération. Le TGV Est fonce sans décoller. C’est mon premier voyage en train. Je devrais faire un voeu. C’est la première fois que je quitte l’Alsace. Je devrais faire un voeu. Je n’ai pas le coeur à faire des voeux. Je pars me soigner à la capitale. Mes yeux vivant s’imprègne des multiples reflets des paysages qui passent très vite, trop vite, comme la vie… Je découvre un ailleurs incertain, comme ma vie. Deux petits enfants sautent sur leur siège, cours dans les allés, dessinent trente seconde, avalent leursmarties et font une bise à leur père. Indifférents à la vitesse et à ce qui les entoure, les enfants sont tout à leur bouillonnement vital. Mon frère vit à Paris depuis qu’on s’est fâché après la guerre. On ne supportait pas de voir en l’autre notre propre lâcheté. Je ne sais pas quelle peur sera la plus forte, celle de son rejet, celle de mourir sans lui avoir parlé.

mélo profondeur

La voix frissonne sa douce tristesse
elle cherche l’assurance des instruments
la mélodie blues percute sur les doigts du guitariste
mélo mélancolie mélodrame mélo mélancolie mélodrame etc…
(air folk) (air rock)
la voix cherche note après note la joie d’avant
le disque danse sur la platine
course autour des mots à peine feuler
trop difficile à dire
trop peur
la voix se cache derrière les autres sons,
les guitares dévoreuses,
la percussion à peine présente,

trop
trop difficile
dire
la voix suspendue suggère avant que

d’après la proposition 188 de l’atelier d’écriture sur Marelle (08/06/2007):

L’espace d’un instant. La traduction la plus sensible, la plus immédiate d’une expérience, celle du quotidien, de la sensualité, de l’amour, de l’approche de la mort, de l’Invisible. L’expérience d’une écriture des profondeurs, dans une fragilité du poème.

(Appareils), Frédérique Guétat-Liviani, Farrago / Léo Scheer, 2002.


douleur dissoute

bruit dissoue douleur
doux pchitt de l’aspirine
pfff les soucis sans dessus dessous
pfff tête compressée trop comprimée
doux pchitt de l’aspirine
l’eau frémit et fait fuir l’écho fatigué
sang tape dans les tempes aléatoire
le jet de bulles gratte les impuretés
soulageant de la pyramide bruyante
multitudes de bizarreries quotidiennes
des fardeaux sédimentés heures par heures
les mirages s’évaporent, les poids peut-être, enfin, tout de suite,
d’abord casser l’écho sournois, ensuite vomir le halo ricaneur, enfin frapper le courant d’air impuissant,
chaque gorgée d’eau embullée
réanime et fait jouir du plaisir sensuel

d’après le photoblog JENRIKS24hphoetry, inspiré de la photo Aspirin

Danse des sens

Je regarde tous ces visages de toi
nostalgie de ta      bouche
Je regarde tous ces mots de toi
nostalgie de tes         murmures
Je regarde tous ces habits de toi
nostalgie de tes courbes
Je regarde toutes ces photos de toi
nostalgie de ton insouciance
Je regarde toutes ces traces infimes
nostalgie de tes   danses impromptues
se sont tues
sans un frôlement d’adieu
la détonation finale est venue avant
que je puisse reprendre ma respiration
tes phrases dansaient comme une marche militaire
mon corps courait pour s’asphyxier, refuser,
jusqu’à ce que la moindre forme de toi ait disparue
nostalgie de mes mots qui savaient te faire danser les sens

d’après le photoblog JENRIKS24hphoetry, inspiré de la photo Strobo-Action

l’énigme du declic

Comprendre les mouvements de lumière, jour après jour descendent et disparaissent de mon horizon, halo beaux et terribles, jour après jour descendent et dansent dans mon horizon, silences flottant et craquant le béton, descendent et menacent mon horizon, se dégager de la fascination des formes changeantes, tristes, joyeuses, indifférentes, criantes, chantantes, dangereuses, descendent et envahissent mon horizon, ne pas croire que ces fantômes de lumière sont nombreux, multiples, une immensité qui s’assemble, une multitude énigmatique qui attend l’assaut, un grand nombre qui encercle, cette quantité qui surveille et observe sans bienveillance, descendent et s’apprêtent à attaquer mon horizon, pourtant ces vibrations lumineuses ne peuvent pas s’échapper du cadre noir, quitter l’immeuble, sortir de la photo, aller au-delà des néons qui les invoquent,… et pourtant, elles sont l’inquiétude qui déclenche le déclic.

d’après le photoblog petermartin.dk, inspiré de la photo Descending Ghosts