Peindre

Pouvoir déteindre l’expiration
souffle microscopique de ses rêves
la main métallique posera glaciale
les reliques des espérées
images obnibouillantes
geysers d’image air
infimes microbes prêt à fondre
s’amalgamer sur la toile
la main suit les traces invisibles
ne pas se laisser troubler par son regard
cette raison qui capte le trivial
peur de perdre son fil
celui qui
dire
celui qui
dire
celui qui

d’après le photoblog Still mood, inspiré de la photo TRAVAIL: Peintre…/WORK: Painter… 1/3

rêverie

Chaque fois que je vois tes cheveux, mon rêve fuit, une douceur qui vole sans disparaître comme les gestes quotidiens sur la chaîne du travail,   et de la vie, quand parfois je capte ton regard,      nos bouches se sont presque déjà rejointes,   jamais tu n’esquive mon corps meurtri par l’usine,   tes yeux semblent revenir d’un rêve   d’une joie qui vient d’ailleurs   quand parfois, je prendsl’appareil photo, tu prends ton rôle au sérieux      tu sais que j’oublie enfin la rude existence pour tenter de capter      le craquement émerveillé de notre couple      quand les images reviennent du développement tu es toujours fière de nous

d’après le photoblog Crina Photography, inspiré de la photo Rêverie

heures de pointe

trop longtemps assis
se lever
vivre d’agitation et de café
fuir les ombres
celles de la sensualité
mouvements perpétuels impossible à penser
faire   agir   faire   agir   faire   a   f   a   f   a

attendre l’heure de pointe
motiver   respirer l’adrénaline communicative
si seulement sourire de killer
ne pas se laisser hypnotiser par   la beauté du soleil d’hiver
se lever   dès que   possible
ne plus contempler
trop longtemps assis

d’après le photoblog Crina Photography, inspiré de la photo Rush Hour

et pourtant, je t’ai oublié

Il y a longtemps que je t’aime
et pourtant je t’ai oublié
la fuite maladive de ton regard
l’incertitude de ton désir de vivre
ces cheveux si doux que je n’osais approcher
le métal de ton caractère
trop de contrastes

Il y a longtemps que je t’aime
et pourtant je t’ai oublié
Il me reste cette image
abîmée par les traces de nos errances sur la plage
tes yeux aspirés par la ligne de fuite
cet horizon incroyable

Il y a longtemps que je t’aime
et j’aimerais t’oublier
avoir la force de t’oublier
oublier
cette folie, ce défi à la tempête
oublier que tu es morte
enfin disparue
et pouvoir espérer un jour
te tenir dans
mes bras sans jamais avoir peur de
te perdre encore

d’après le photoblog Crina Photography, inspiré de la photo Rusty Memory

micro-fictions 3

1/ Chez le dentiste

Impossible de tenir en place. J’imagine ce que le dentiste est en train de faire à la jolie jeune fille avant moi. Elle n’est restée que quelques instants mais j’ai aimé sa mèche en bataille devant son visage penché sur une revue people. Elle était calme et souriait dans sa lecture. Puis l’assistante est venue la chercher. Son mouvement était léger et gracieux comme un oiseau qui s’envole. Je n’arrive pas à me concentrer ni sur Les Bienveillantes -que je dois absolument finir pour donner mon avis à mon beau-père- ni sur les hebdomadaires d’informations ni sur les magazines féminins. Je pense à ce boucher qui doit lui charcuter la bouche. J’ai mal pour elle, j’ai déjà mal pour moi. En plus, c’est long. J’entends d’ici le bruit de la fraise. Je sens que je vais me sentir mal. Le temps passe. Je regarde la pluie par la fenêtre. J’en ai marre. Je vais partir. J’ai trop peur. Je me lève. La porte s’ouvre. L’assistante entre accompagnée de la jeune fille en tenue d’assistante. « Désolé pour ce petit retard, le docteur et moi devions présenter le cabinet à notre nouvelle stagiaire. Nous sommes tout à vous maintenant. »

2/ Concert improvisé

Je suis bien assis. La guitare commence sur fond léger de batterie. Je regarde la basse se préparer en suivant la partition. La trompette détourne mon regard et emballe le morceau suivi de près par les cymbales. Le thème s’installe quelques mesures avant de commencer à se déconstruire. Le bassiste frotte et triture ses cordes grinçant une tension sourde à ce moment musical. La batterie se met à hésiter entre deux rythmes alors que la trompette s’étouffe. On se croirait en plein polar avec la guitare qui s’acharne sur deux accords. Silence. Puis la trompette reprend crescendo s’essoufflant toute seule. Tout doucement les autres instruments replacent le thème qui s’amplifie pour faire gronder les voûtes de ce petit caveau. Tout repars en vrille jusqu’à l’assassinat en règle par une batterie tenace et démultiplié. Silence. Je me lève après les applaudissements pour annoncer le titre: « mort du chanteur de jazz ».

3/ Mamie voyage

– Je vais être en retard. Ne m’attendez pas.
-…
– C’est la SNCF qui fait des siennes.
– …
– Cette fois-ci… et bien, ils n’ont pas trop précisé… si… c’est la locomotive qui est en panne.
-…
– Comme tu dis, je n’ai pas de chance. A chaque fois cela tombe sur moi!
– …
– Oui, je vais dormir à Lyon pour attendre ma correspondance de demain matin.
– …
– Non, ce n’est pas la peine que tu rappelles. Je vais me débrouiller. Non! J’ai l’habitude… puisque je te dis NON!
– …
– Excuse-moi, c’est l’énervement du retard… Tu trouves que c’est bruyant pour un train… comme un restaurant… et…bien… c’est la solidarité entre retardataires… La SNCF a distribué un casse-croûte et des boissons, cela discute dans une bonne ambiance… oui avec du vin, d’où le bruit de bouchon… la musique, un téléphone qui joue… un air de classique… tout le monde n’écoute pas du rap ou de la techno… écoutes, je te laisse, je n’ai plus beaucoup de batterie… c’est cela à demain.
– Il va falloir trouver une autre excuse pour la prochaine fois, mon amour. La SNCF a bon dos. A la tienne!

vie labyrinthe

Ma vie est un labyrinthe
où je m’éreinte
criant ma plainte
dans un air sans teinte
je me perds dans le brouillard qui suinte
chaque détour est une feinte

je bois ma douleur comme un pinte
et la mort n’est pas ma seule crainte
mon corps rigide comme une plinthe
gît sur le pavé, toute respiration éteinte
l’issue n’était peut être plus hors d’atteinte

d’après photoblog Terminal 715, inspiré de la photo Pile of wood

le vent ivre

toute la journée, je me suis gorgé de vent, j’ai regardé passer les oiseaux, les hommes, les pollens, les cercles et les rêves, l’euphorie coulant du vent a éveillé la furie de mes actions circulaires, ma rage a fait renaître la poésie du moulin à vent, si longtemps fossile, et maintenant sa roue tourne, mon rire dément salut la vibration de ses ailes, je cours autour avec l’appareil photo, saisir le mouvement giratoire de ma folie, le vent n’est que l’ivresse des idées cherchant à renverser le monde.

d’après le photoblog terminal715, inspiré de la photo Screen shot

en feu

fermer les yeux
résister à l’envie de l’embrasser
la musique échauffe mes désirs
elle danse et

je voudrais
l’enlacer, lui dévorer la bouche, lui

dans le noir du caveau
lui glisser les mains sur le corps

la flamme est en nous
tout n’est plus comme avant
je n’ai pas résister à sa passion

quand j’ouvrirais les yeux
son sensuel sourire m’accueillera en silence
la musique n’existera plus pour nous

garder encore un peu
les yeux fermés
l’imaginer encore là

son corps enflammant la jazz session
d’après le photoblog Terminal 715, inspiré de la photo In flames

micro-fictions

1/ Indigestion

Dans la joie presque dansante de l’apéritif, je bois et je picore. Je parle et j’écoute. Les convives virevoltent. Je souris d’aise. Mes pensées vagabondent ici ou là. Mes yeux parcourent rieur l’assemblée. Le soulagement est sensible quand lesfêtards s’attablent. Les conversations se font feutrées et intimes. Le bruit des couverts est à peine perceptible. Les enfants tournent sans cesse les yeux vers la scène sans musiciens et l’étalage de cadeaux. J’empile les entrées et les plats principaux ne me résistent pas. Le buffet de fromage est un délice. J’engouffre les desserts plus par gourmandise que par appétit. La fatigue arrive soudain. L’alcool fait son effet. J’ai mal au ventre. Mon crâne devient lourd et brumeux. Encore une fois, je suis bon pour une digestion longue et pénible.

2/ Le café

Je tapote en rythme sur la table ronde du café. La tasse est à moitié vide. J’attends. Le livre de poche est posé avec le marque page qui dépasse. J’hésite. La lecture au milieu de toute cette agitation est un voyage plus doux que seul à la maison. J’ai l’impression de vivre deux vies en même temps. L’intensité du bar et des ses clients, la vibration des aventures du livres. Je ne lis que des histoires rocambolesques, de la science-fiction ou des romans d’aventures. Je suis le héros qui sauve tout le monde et brille de mille éclats. Seulement, j’attends que le café se remplisse. Pour l’instant c’est bien trop calme et cela gâche le plaisir de la lecture. Je ne comprends pas, d’habitude. La une du journal me rappelle soudain qu’aujourd’hui c’est férié.

3/ Amours métropolitains

Ils s’embrassent sans que les passages incessants du métro ne les troublent. A 8h00 du matin, ils prolongent la joie nocturne. Le couple frémit d’aise de voir le regard intrigué des passants courant après le métro. Ils ont l’allure d’un couple adultérin se faisant de dernières papouilles avant de retrouver la banalité du quotidien. Il est vrai que l’état de grâce dure. C’est sûrement parce qu’ils forment un couple recomposé. Ils dégustent leur amour avec le goût de l’expérience. Ils s’admirent sans illusions. Ils s’acceptent mutuellement mais sans concession. Depuis plus d’un an, le couple joue ce petit théâtre de leur bonheur donnant une raison d’y croire à une adolescente dont les parents se haïssent silencieusement.

pensées enflammées

mes pensées rougeoient dans la nuit, impossible de m’endormir, les idées tournoient dans mon cerveau, elles s’appellent, s’affrontent, s’imbriquent, se mélangent et festoient à mon insu, mais surtout les idées s’enflamment les unes aux autres, le trop plein s’évapore et suspend son heure, aucune n’est prête à fondre plutôt disparaître que de s’affadir, je m’enivre de leur alcool, il me suffit parfois d’étendre les mains pour toucher la brûlure de leurs formes, je n’ai pas peur, je souffle leurs braises pour rester en vie…

d’après le photoblog Lost in Pixels, inspiré de la photo Light my fire.