Je veux partir depuis si longtemps, les papiers ne viennent jamais, j’erre dans Moscou, je fais la manche, je squatte chez des amis, ma seule lumière c’est l’appareil photo, il ne me quitte jamais, mon regarde scrute et emmagasine des images par milliers, je l’économise car les pellicules argentiques se font rares et de toute façon je n’ai pas les moyens, de temps en temps je cède à la tentation quand me saisit ce mélange de nostalgie et d’espoir fou si propre à cette ville, un soleil voilé par une fumée acre et noire, des immeubles majestueux mais décrépis au milieu de rues quasiment vides, le fleuve dont on ne sait pas dans quel sens il va, dans ma tête j’ai déjà le reportage photo que je ferais si je peux enfin prendre l’avion pour quitter Moscou, je veux partir depuis si longtemps, l’argent me file entre les doigts, les papiers ne viennent jamais, je suis parfois si triste que personne n’ose me donner l’aumône, je vois l’angoisse dans leurs yeux, c’est parce que je suis libre, moi, je suis déjà parti en fait et ils m’en veulent pour cela.
d’après la photo du jour 17 février 2012 de @abelyak sur Webstagram